
Le cancer du col utérin est le cancer le plus fréquent chez la
femme dans les pays les plus défavorisés. 85 % des 493 000 nouveaux
cas et 273 000 décès mondiaux estimés en 2002 sont survenus dans
les pays en développement.
Si la mise au point de vaccins permettra de prévenir l’infection
par les Papillomavirus humains responsables du développement du
cancer du col, la prévention de ce cancer devra tout de même
encore, et pour un temps certain, s’appuyer systématiquement sur le
dépistage précoce. Or, le dépistage par frottis vaginal, qui a
permis de réduire le poids du cancer du col dans les pays
industrialisés, se heurte à de nombreux obstacles de ressources et
de logistique qui contribuent au risque élevé de cancer du col
utérin dans les pays d’Afrique sub-saharienne, d’Asie du Sud et du
Sud-Est, d’Océanie, d’Amérique du Sud et des Caraïbes.
Dans ce contexte, et prenant en compte les résultats de plusieurs études ayant conclu à une sensibilité acceptable de l’inspection visuelle avec application d’acide acétique à 3-5 % (VIA), à la recherche de zones acidophiles, dans la prévention des néoplasies cervicales intra-épithéliales (CIN), une équipe indienne, portant ses efforts sur une approche simple, pratique, adaptée, de prévention du cancer du col, a mené, sous l’égide du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), un essai randomisé contrôlé visant à évaluer l’impact de l’approche VIA sur l’incidence du cancer du col et la mortalité due à ce cancer. Rappelons que les données épidémiologiques de 2002 et 2004 recensaient en Inde 120 000 nouveaux cas annuels de cancers du col et 80 000 décès par an dus à ce cancer
L’essai, à grande échelle, mené entre janvier 2000 et avril 2003 a été conduit dans le district de Dindigul, au sud de l’Inde, en milieu rural, et a porté sur 113 groupes de femmes âgées de 30 à 59 ans, en bonne santé, indemnes d’antécédent de cancer du col, et interviewées à domicile afin de préciser les données socio-économiques et les antécédents obstétricaux. Sur ces 113 groupes, 57 sélectionnés après tirage au sort, ont constitué les groupes avec intervention. Ces derniers ont bénéficié d’un dépistage du cancer du col par IVA, effectué par des infirmières entraînées et supervisé par un médecin. Les 56 groupes restants ont constitué la population témoin. Sur 49 311 femmes éligibles du groupe d’intervention, 31 343 (63,6 %) ont eu un dépistage du cancer du col entre 2000 et 2003. Dans la population témoin, 30 958 femmes ont reçu les soins habituellement pratiqués.
Parmi les femmes ayant bénéficié d’un dépistage, 3 088 (9,9 %)
avaient un test VIA positif, 3 052 (98,8 %) ont eu une colposcopie
et 2 539 (82,2 %) une biopsie.
Le taux de tests VIA positifs et ceux de détection de néoplasies
intracervicales, maximaux chez les femmes âgées de 30 à 39 ans,
diminuaient avec l’avancée en âge, tandis que les taux de cancers
cervicaux augmentaient chez les femmes plus âgées.
Sur les 1 874 femmes ayant une lésion précancéreuse du col, 1 172
(70,8 %) ayant une CIN de grade 1 et 177 (81,2 %) ayant une CIN de
grade 2 à 3 ont été traitées par cryothérapie, résection à l’anse
diathermique ou conisation, sans complication majeure
rapportée.
Les données cumulées 2000-2006 montrent dans la population
d’intervention (274 430 personnes-années), 167 cas de cancers
du col et 83 décès par cancer du col versus 158 cas de cancer du
col et 92 décès dans la population témoin (178 781
personnes-années).
Soit, dans l’ensemble, et en comparaison du groupe témoin, une
réduction significative, de 25 %, du risque de cancer du col dans
le groupe avec intervention (ratio de risque = 0,75 ; intervalle de
confiance à 95 % [IC95] de 0,55 à 0,95) et une réduction de 35 %,
significative, de la mortalité par cancer du col de l’utérus (ratio
de mortalité = 0,65 ; IC95 de 0,47 à 0,89).
L’impact de cet essai reposant sur la formation des personnels soignants, en terme de santé publique, apparaît considérable. Il laisse entrevoir l’efficacité d’un dépistage simple, pragmatique, et du traitement, sur la réduction de l’incidence du cancer du col, là où le dépistage cytologique et les consultations multiples, diagnostiques et thérapeutiques, échouent ; là où les femmes les plus démunies sont à haut risque de cancer du col utérin, dans les pays pauvres et dans les pays riches.
Dr Julie Perrot