
S’il est bien établi que l’obésité accroît la mortalité, si les effets bénéfiques de la perte de poids (réduction de l’incidence du diabète de type 2 chez les sujets intolérants au glucose ; contrôle facilité de l’hypertension artérielle, d’une dyslipidémie ; amélioration de la qualité de vie…) sont bien documentés, les données intéressant l’impact de la réduction pondérale et de l’amélioration des facteurs de risque qu’elle entraîne sur l’espérance de vie, en revanche, manquent. Les interrogations suscitées par cette carence d’informations viennent cependant de trouver réponse, et les premières données étayées intéressant l’impact sur la mortalité de la perte de poids chez l’obèse proviennent de deux études, toutes deux contrôlées, post-chirurgie de l’obésité, l’une suédoise, l’autre américaine.
L’une, prospective, la Swedish Obese Subjects study, a porté sur 4 047 sujets obèses, âgés de 37 à 60 ans, dont l’indice de masse corporelle (IMC) atteignait ou dépassait 34 chez les hommes et 38 chez les femmes. Ces sujets, recrutés entre le 1er septembre 1987 et le 31 janvier 2001, dans 25 services de chirurgie et 480 centres de soins, ont été suivis en moyenne 10,9 années. Parmi eux, 2 010, ont subi une intervention chirurgicale pour obésité (anneau modulable ou non pour 376 d’entre eux ; gastroplastie avec agrafage pour 1 369 ; court-circuit gastrique pour 265) et 2037, ne désirant pas d’intervention chirurgicale, ont été pris comme témoin et ont suivi un traitement conventionnel.
Une réduction pondérale à long terme et une baisse de la mortalité globale
Au 1er novembre 2005, l’analyse des résultats, montre, pour un
suivi pondéral allant jusqu’à 15 ans, une modification de ± 2 %, ou
moins, du poids dans le groupe témoin.
Dans le groupe traité chirurgicalement, la perte de poids était
maximale au bout d’un à deux ans, de 32 ± 8 % dans le groupe traité
par court-circuit gastrique, de 25 ± 9 % dans celui traité par
gastroplastie avec agrafage, de 20 ± 10 % dans celui traité par
anneau. Au bout de 10 années, et en comparaison du poids à l’entrée
dans l’étude, la perte de poids était stabilisée respectivement à
25 ± 11 %, 16 ± 11 % et 14 ± 14 % dans ces groupes.
L’étude a recensé 129 décès (6,3 %) dans le groupe témoin et 101 (5
%) dans le groupe avec intervention, au cours d’une période de
suivi atteignant 16 ans. Le ratio de risque global non ajusté était
de 0,76 dans le groupe avec intervention, en comparaison du groupe
témoin (IC à 95 % 0,59-0,99 ; p = 0,04). Après ajustements sur le
sexe, l’âge et les facteurs de risque cardiovasculaires, le ratio
de risque était de 0,71 (P = 0,001).
Parmi les causes de décès le plus fréquemment relevées figurent :
l’infarctus du myocarde (13 cas dans groupe avec intervention, 25
dans le groupe témoin) et le cancer (29 cas dans le groupe avec
intervention, 47 dans le groupe témoin).
L’autre étude, rétrospective, s’est intéressée à la mortalité à long terme (de 1984 à 2002) après court-circuit gastrique chez 7 925 patients (âgés en moyenne de 39,5 ans et ayant un IMC de 45,3), comparés à 7 925 témoins (âgés en moyenne de 39,3 ans et ayant un IMC rapporté de 46,7), recrutés à partir des registres des candidats au permis de conduire de l’Utah, appariés pour l’âge, le sexe et l’IMC aux sujets opérés, et suivis en moyenne 7,1 ans.
Une réduction de la mortalité par maladies cardiovasculaires, par diabète et par cancer
Comparée à celle observée dans le groupe témoin, la mortalité
toutes causes ajustée s’est avérée réduite de 40 % dans le groupe
avec intervention (37,6 versus 57,1 décès p. 10 000
personnes-années ; P < 0,001), soit un nombre estimé de vies
sauvées de 136 p. 10 000 interventions de court-circuit gastrique
au cours des 7,1 années de suivi moyen.
Faute de données pondérales au moment du décès, le risque de décès
selon l’ampleur de la perte de poids n’a pu être évalué.
L’analyse de la mortalité de cause spécifique met en évidence, dans
le groupe avec intervention : une diminution significative, de 56
%, de la mortalité par insuffisance coronarienne ; une baisse
significative, de 92 %, de la mortalité liée au diabète ; une
réduction significative, de 60 %, de la mortalité par cancer.
Mais elle laisse apparaître aussi un accroissement de la mortalité
de causes autres, avec notamment un taux de mortalité par accident
et par suicide de 58 % plus élevé dans le groupe avec intervention
que dans le groupe témoin.
La perte volontaire de poids augmente-t-elle l’espérance de vie des patients obèses ? Oui, répondent ces deux études menées auprès de patients demandeurs et opérés pour obésité, qui viennent d’être publiées, et comblent le chaînon jusque-là manquant.
Dr Julie Perrot