Mucoviscidose: la transplantation pulmonaire remise en cause ?

Dans la mucoviscidose, la transplantation pulmonaire est aujourd’hui un espoir pour les patients et leurs familles. Elle est généralement considérée comme un dernier recours lorsque, malgré une prise en charge optimale, la fonction pulmonaire continue de se dégrader. De fait une étude britannique parue en 1999 dans le Lancet qui avait évalué parmi des patients inscrits sur une liste d’attente de greffe, la survie de ceux qui avaient été transplantés (n=47) et celle de ceux qui ne l’avaient pas été (n=68) avait retrouvé un avantage significatif en terme de durée de vie, pour les malades opérés.

Ces résultats encourageants avaient été toutefois contredits par un travail américain portant sur 1 223 enfants greffés (n=205) ou non (n=1 018).

La même équipe américaine a souhaité aller plus loin en analysant, en tenant compte de multiples covariables, la survie de 514 enfants souffrant de mucoviscidose et inscrits sur la liste d’attente des Etats-Unis pour les transplantations pulmonaires entre 1992 et 2002 ; 248 patients ont effectivement été transplantés (après une durée médiane de présence sur la liste d’attente de 427 jours) et 266 ne l’ont pas été. Globalement la survie à 5 ans après la greffe a été de 32,9 %, 60 % des décès étant dus à la transplantation elle-même (rejet essentiellement), 29 % à une insuffisance respiratoire et 11 % à une autre cause. Parmi les décès des patients sur la liste d’attente (n=141), 91 % étaient liés à une insuffisance respiratoire.

Cette étude rétrospective n’étant bien sûr pas randomisée, pour tenter de déterminer si la greffe avait amélioré la survie chez certains patients effectivement transplantés, Théodore Liou et coll. ont élaboré un modèle de risque proportionnel tenant compte de 26 co-variables pouvant intervenir sur la survie. De ce travail très complexe il ressort que, selon les auteurs, sur les 514 sujets du groupe initial, 5 seulement auraient pu tirer un bénéfice significatif de la greffe (un seul a été effectivement greffé !), tandis que pour 315 l’intervention aurait aggravé significativement le risque vital, et que pour respectivement 76 et 118 malades la transplantation se serait accompagnée d’un bénéfice ou d’un risque non significatif. 

Faut-il lancer une étude randomisée ? 

Commentant ces résultats qui semblent montrer, qu’en moyenne, la greffe pulmonaire n’améliore pas la survie dans la mucoviscidose, l’éditorialiste du New England Journal of Medicine a une position plus nuancée que celle des auteurs. Il souligne d’abord que malgré tous les ajustements possibles et une espérance de vie à 5 ans identique (57 %) selon les scores de gravité mesurés lors de l’inscription sur la liste d’attente, les malades opérés et non opérés n’étaient peut-être pas totalement comparables, les premiers pouvant être plus gravement atteints que les seconds. Il insiste par ailleurs sur l’absence d’évaluation fine de la qualité de vie des deux groupes de malades. 

En pratique pour l’éditorialiste, les critères d’inscription sur la liste d’attente devraient être plus stricts qu’aujourd’hui (tout au moins aux Etats-Unis) en n’envisageant cette option thérapeutique que si l’espérance de vie estimée à 5 ans est inférieure à 30 %. De plus selon Liou et coll. seule une étude randomisée permettra de trancher réellement le débat en  déterminant pour quels enfants la transplantation est susceptible d’allonger significativement l’espérance de vie. En attendant cet hypothétique essai, il convient d’informer le plus complètement possible les familles (et les patients eux-mêmes s’ils sont suffisamment âgés) sur nos incertitudes actuelles sur le bénéfice que l’on peut attendre d’une transplantation. 

Dr Céline Dupin

Références
1) Liou T.G. et coll. : Lung transplantation and survival in children with cystic fibrosis. N Engl J Med 2007; 357: 2143-52.
2) Allen J et coll.: Lung transplantation in cystic fibrosis. Primum non nocere. N Engl J Med 2007; 357: 2186-88.

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