Paris, le vendredi 14 mars 2008 – Si l’on devait retenir une impression des premières semaines du procès de l’hormone de croissance, ce serait sans doute celle d’une terrible confusion et de l’impossibilité de déterminer avec certitude si oui ou non les responsables de la collecte d’hypophyse se sont rendus coupables d’imprudences, dont ils auraient pu savoir qu’elles étaient potentiellement dangereuses. Après les témoignages à charge dans les premiers jours de la vétérinaire Jeanne Brugère-Picoux et la révélation de Luc Montagnier selon laquelle un appel à une extrême vigilance avait été donné à l’Institut Pasteur dès 1980, d’autres experts se sont succédé à la barre pour soutenir les responsables de France Hypohyse. Tous ont dit combien manquaient à l’époque et encore aujourd’hui les connaissances sur le prion. C’est ainsi que l’on a entendu le prix Nobel Edmond Fisher rappeler que : « Penser qu'une protéine, comme le prion, puisse être un agent infectieux, c'était contre le dogme de tout ce qu'on savait sur la biochimie ». Comme d’autres avant lui, il a tenu à adresser un message de soutien à certains des accusés en affirmant : « L'Institut Pasteur ne mérite pas cet excès d'indignité ».
Emotions sur tous les bancs
Ces témoignages tranchent avec l’accusation sans appel lancée
par Paul Cohen le 29 février qui a dénoncé « la faute
professionnelle grave » de l’Institut Pasteur. Michel Goldberg a
hier voulu minimiser la portée de la position de Paul Cohen en
affirmant que ce dernier « avait une connaissance incomplète du
prion » et qu’il avait commis de « graves erreurs d’interprétation
». Cependant, Michel Godlberg, ajoutant encore sans doute à la
confusion qui habite tous les observateurs, a dénoncé les «
relations incestueuses de l’Etat français avec l’Institut Pasteur
». Ce défilé d’experts qui proposent des lectures contradictoires
de l’affaire est particulièrement douloureux pour les familles,
mais également éprouvant pour les accusés. Hier, pour la première
fois, depuis l’ouverture des débats, l’un d’eux a publiquement
manifesté son émotion. « Depuis que j’ai connu ce gouffre, j’ai été
hanté par le désir de comprendre » a lâché en sanglots Henri
Cerceau, ancien directeur de la Pharmacie centrale des
hôpitaux.
A.H.