L’importance de la qualité du contrôle glycémique dans la survenue des complications micro et macro-vasculaires du diabète est largement démontrée. Cependant l’obtention d’un bon contrôle glycémique du diabète de type 2 échoue, après quelques années, chez 40 à 60 % des patients sous seul traitement hypoglycémiant oral ce qui nécessite alors le recours à l’insuline.
Afin d’affiner l’insulinothérapie dans le diabète de type 2 en prenant en considération le contrôle glycémique, le risque d’hypoglycémie, de prise de poids, et le sentiment de bien-être et de satisfaction du patient, un essai multicentrique, l’essai APOLLO (A Parallel design comparing an Oral antidiabetic drug combination therapy with either Lantus once daily or Lispro at mealtime in type 2 diabetes patients failing Oral treatment), a été mis en œuvre.
Cet essai, randomisé contrôlé, ouvert, a été mené chez 418
patients dont le diabète de type 2 était insuffisamment contrôlé
par traitement hypoglycémiant oral, enrôlés dans 69 centres
d’Europe et d’Australie, entre juin 2003 et mai 2005. Il visait à
déterminer, en non-infériorité, au bout de 44 semaines, l’effet sur
l’hémoglobine glyquée (HbA1c) de l’adjonction d’un analogue de
l’insuline via soit une injection quotidienne d’insuline glargine
(n = 205 patients), soit trois injections prandiales d’insuline
lispro (n = 210).
La population de l’étude était âgée de 18 à 75 ans, avait un
diabète de type 2 connu depuis au moins un an et un indice de masse
corporelle (IMC) moins de 35. Elle était traitée par comprimés
antidiabétiques depuis 6 mois au moins, à doses stables depuis
trois mois révolus avant l’entrée dans l’étude, avait des taux
d’HbA1c entre 7,5 et 10,5 % et des glycémies de 6,7 mmol/l ou plus
à jeun.
Après exclusion, pour cause de non-suivi du protocole, de sortie
d’étude, de perte de vue, de prescription d’une corticothérapie de
plus de 7 jours…, l’analyse a porté sur 377 patients, 186 dans le
groupe glargine, 191 dans le groupe insuline prandiale.
L’insulinothérapie s’ajoutait au traitement oral, le plus souvent
par biguanide et sulfamides : la plupart des patients ont
reçu un traitement par metformine tout au long de l’essai, 156 (76
%) dans le groupe glargine, 153 (74 %) dans le groupe insuline
prandiale ; une majorité a été traitée par glimépiride
puisque seuls 11 patients (6 %) du groupe glargine et 14 (7 %) du
groupe insuline prandiale n’avaient pas reçu ce sulfamide.
Un effet semblable sur le taux d’hémogobine glyquée
La diminution moyenne des taux d’HbA1c s’est avérée semblable dans les deux groupes :
- 1,7 % [de 8,7 % (DS : 1,0) à 7,0 % (DS : 0,7)] sous insuline
glargine, - 1,9 % [de 8,7 % (DS : 1,0) à 6,8 % (DS : 0,9)] dans le
groupe sous insuline prandiale, la différence étant dans la limite
prédéfinie de 0,4 % de non-infériorité entre les deux
groupes.
En comparaison des taux de base, 106 patients (57 %) du groupe
glargine, et 131 (69 %) du groupe insuline prandiale, ont vu leur
taux d’HbA1c atteindre 7 % ou être inférieur à ce taux, tandis que
55 patients (30 %) du groupe glargine et 73 (38 %) du groupe
insuline prandiale avaient des taux d’HbA1c, considérés comme
optimaux, inférieurs à 6,5 %.
Des impacts différents sur la glycémie
Le profil glycémique, pris dans son entier, montre une réduction
significative dans les deux groupes.
La réduction de la glycémie à jeun moyenne, et celle de la glycémie
nocturne, étaient significativement plus marquées dans le groupe
sous insuline glargine, respectivement de - 4,3 mmol/l (DS : 2,3)
dans ce groupe et de - 1,8 mmol/l (DS : 2,3) dans le groupe
insuline prandiale, et de - 3,3 mmol/l (DS : 2,8) et - 2,6 mmol/l,
DS : 2,9.
Le contrôle glycémique prandial, tout au long de la journée, en
revanche, était meilleur dans le groupe recevant l’insuline avant
chaque repas, avec une réduction des glycémies après petit déjeuner
de - 4,6 mmol/l (DS : 4,0) dans le groupe insuline prandiale et de
- 4,2 mmol/l (DS : 3,4) dans le groupe glargine ; une diminution
des glycémies post-repas de la mi-journée respectivement de - 4,3
mmol/l (DS : 3,7) et de - 3,1 (DS 3,1) ; une baisse des glycémies
post-dîner de - 5,0 mmol/l (DS : 3,2) et de - 3,2 mmol/l (DS :
3,7), et des glycémies au coucher de - 4,3 mmol/l (DS : 4,8) et de
- 3,2 mmol/l (DS : 3,7).
Des effets différents sur la survenue d’événements hypoglycémiques
L’incidence des événements hypoglycémiques a été
significativement moindre [5,2 (IC à 95 % 1,9-8,9) événements par
patient par an], sous une injection quotidienne d’insuline glargine
; elle a été de 24,0 (21-28) événements par patient par an sous
trois injections quotidiennes d’insuline prandiale, mais les taux
d’événements hypoglycémiques nocturnes, et ceux d’événements
hypoglycémiques sévères, étaient semblables dans les deux
groupes
La prise moyenne de poids a été de 3,01 kg (DS : 4,33) dans le
groupe glargine et de 3,54 kg (DS : 4,48) dans l’autre
groupe.
Le score moyen de satisfaction s’est amélioré dans les deux
groupes, de façon significativement plus marquée dans celui traité
par une seule injection quotidienne d’insuline glargine.
Dans cet essai, l’ajout aux agents hypoglycémiants oraux d’une
insulinothérapie par analogues de l’insuline s’est avéré efficace
en terme de réduction des taux d’HbA1c chez 418 diabétiques de type
2, que le schéma de cette insulinothérapie soit basal ou prandial,
au prix d’hypoglycémies plus fréquentes sous multi-injections
d’insuline quotidiennes mais sans augmentation des hypoglycémies
sévères.
Reste à améliorer encore ces schémas thérapeutiques : 30 %
seulement des patients du groupe sous insuline glargine et 38 % du
groupe sous insuline prandiale ont atteint l’objectif « optimal »
d’HbA1c, en dessous de 6,5 %.
Dr Claudine Goldgewicht