L’hémophilie dans ses formes les plus sévères requiert généralement un traitement prophylactique qui débute le plus tôt possible afin de minimiser les conséquences fonctionnelles. L’administration régulière de facteurs de la coagulation sous forme concentrée débute en règle dès la première hémarthrose, avant l’âge de 2 ans, pour prévenir les hémorragies. Cette stratégie, d’ailleurs opérationnelle, depuis une quarantaine d’années, est recommandée par l’OMS et la WFH (World Federation of Haemophilia). Cependant, les bénéfices de la prophylaxie secondaire sont mal connus, laquelle consiste en un traitement régulier à long terme, débuté après l’âge de 2 ans et/ou après l’atteinte d’au moins deux articulations. Les données sur cette stratégie concernent le plus souvent des enfants d’âge scolaire. Dans les pays du Sud de l’Europe, tels l’Italie, c’est encore la prévention secondaire qui prévaut, car le traitement prophylactique primaire n’a été instauré sur une grande échelle que récemment, à la différence de ce qui s’est passé en Europe du Nord. L’objectif n’en est pas moins voisin puisque ce traitement vise à freiner la progression des arthropathies imputables à l’hémophilie.
Une étude de cohorte rétrospective multicentralisée en Italie, intitulée IACE ( Italian Association of Haemophilia Centres) a inclus 84 patients atteints d’une hémophilie sévère, initialement traitée « à la demande ». Par la suite, à l’adolescence (n=30) ou à l’âge adulte (n=54), un traitement prophylactique secondaire a été instauré devant la fréquence des hémorragies et la survenue de lésions articulaires. Cette stratégie thérapeutique a eu des effets bénéfiques tangibles. Ainsi, le nombre moyen annuel d’hémorragies, tous types confondus, d’une part et de saignements articulaires, d’autre part, a diminué de manière statistiquement significative (35,8 vs. 4,2 et 32,4 vs. 3,3; p<0,01).
Il en a été de même pour l’absentéisme scolaire ou professionnel (34,6 vs. 3,0, p < 0,01) tandis que la qualité de vie en rapport avec la santé s’est également améliorée. Le prix à payer pour ces bénéfices a été une augmentation de la consommation de facteurs de la coagulation concentrés. Si le rapport coût/efficacité de la prophylaxie secondaire semble favorable en première approximation, il n’en reste pas moins qu’une évaluation plus précise devrait passer par des études de cohorte prospectives menées sur une plus grande échelle.
Dr Philippe Tellier