« Des calculs rapides montrent que peu d’entre nous se trouvent à l’abri d’une prédisposition génétique à une maladie mentale. Voire personne. » Basée sur l’estimation de la fréquence d’allèles défavorables dans la population générale, et mise en exergue par The American Journal of Psychiatry, cette extrapolation tranchante suscite aussitôt une interrogation : comment certains échappent-ils à cette fatalité génétique, quand d’autres n’y résistent pas ?
L’auteur rapproche deux études a priori étrangères l’une à l’autre, mais ayant en fait ce point commun : la faculté de contrecarrer un déterminisme morbide. L’une (Paracchini & col.) concerne la susceptibilité génétique en matière de dyslexie. Le gène examiné n’a reçu encore qu’un nom provisoire (KIAA0319)1 mais curieusement, des individus avec le même génotype à risque peuvent ou non éprouver des difficultés dans l’apprentissage de la lecture. Pourquoi ? L’autre étude (Alim & col.) porte sur l’aptitude à surmonter un traumatisme : devant la même épreuve, certains y parviennent, contrairement à d’autres.
Si l’identification des facteurs de risques (en particulier génétiques) constitue déjà un défi pour la psychiatrie, un autre défi concerne l’éclairage de ce mystère épidémiologique : la majorité des personnes exposées à des risques pourtant identiques ne développe pas la maladie chronique. Les psychiatres sont donc concernés, estime l’auteur, par la compréhension de cette « fracture psychologique » entre individus : certains d’entre nous font face et triomphent parfois de leurs difficultés, alors que d’autres n’ont pas ces mêmes possibilités de résilience. Encore un débat se rattachant à l’acquis opposé à l’inné, et risquant de faire grincer les dents des psychologues et des psychiatres français, enclins à apporter des réponses d’ordre psychanalytique (l’inconscient, le moi, le surmoi, le transfert…) à des questions vues par d’autres sous un angle organiciste : les gènes, la biochimie...
(1) http://en.wikipedia.org/wiki/KIAA0319
Dr Alain Cohen