
Après transplantation hépatique orthotopique (THO) pour cirrhose alcoolique se pose toujours le problème des conséquences d’une reprise de la consommation d’alcool sur le greffon et donc pour le patient.
Peu d’études ont évalué les effets de l’abstinence avant la THO sur le risque de récidive de consommation d’alcool (CA) en post transplantation et surtout très rares ont été celles qui ont inclus un nombre suffisant de patients avec d’autres causes de dysfonction hépatique. De plus les effets de la reprise de la CA sur la survie post THO, tels qu’évalués par des études européennes, restent discutés.
Cette équipe canadienne avait comme postulat de base que plus la période d’abstinence pré THO était longue, plus faible devait être le risque de reprise de la CA ensuite. L’étude a été réalisée sur une cohorte de patients nord-américains ayant une maladie alcoolique du foie (MAF), avec ou sans autres causes d’atteinte hépatique (telle qu’une hépatite virale par exemple), de façon à estimer l’incidence de la reprise de la CA et ses facteurs prédictifs, ainsi que ses conséquences sur la survie des patients.
Il s’est donc agi d’une revue rétrospective des dossiers de tout les patients transplantés pour MAF et ayant survécu au moins 3 mois après la THO.
La reprise de la consommation d’alcool était définie soit comme toute consommation d’alcool (TCA) soit comme une intoxication ou une consommation au-delà du seuil toxique (>20 g/j chez les femmes et >40 g/j chez les hommes) à au moins deux occasion distinctes. Sur les 213 THO dont les dossiers étaient disponibles, 42 ont été exclues. Sur les 171 restantes il y avait 78 % d’hommes et l’âge moyen était de 52 ans. Parmi ces patients 53 % avaient d’autres causes d’atteinte hépatique en plus de l’alcool.
Le suivi post THO a été de 64,8 mois et la durée médiane d’abstinence pré-transplantation était de 19 mois. Sur l’ensemble des patients, le risque de TCA (c'est-à-dire même un seul verre dans tout le suivi) était de 24 % et celui de la reprise de la CA de 13 %. La durée de sevrage pré-transplantation était le seul facteur prédictif indépendant de reprise de la CA pot-THO. Pour chaque mois gagné en pré-transplantation, il y avait une diminution de 5 % du risque de reprise de la CA en post-THO.
En revanche il n’a pas été observé de différence en termes de survie qu’il y ait eu de reprise ou non de la consommation alcoolique. Cette étude confirme que plus longue est la période d’abstinence avant la transplantation plus faible est le risque de récidive de la consommation d’alcool ensuite, sans permettre de préciser un délai optimal mais au demeurant la fonction hépatocellulaire du patient ne laisse pas forcément le loisir d’attendre. Les patients ayant eu une abstinence de moins de 18 mois avant la THO pourraient certainement bénéficier d’un suivi plus intensif en post-THO.
Pr Marc Bardou