
Paris, le mardi 10 novembre 2009 – A l’occasion de la présentation hier du lancement de la campagne de vaccination contre la grippe A (H1N1) à destination du grand public ce jeudi 12 novembre, le ministre de la Santé, Roselyne Bachelot a également dévoilé une nouvelle opération de communication tendant à rappeler que « la meilleure protection c’est la vaccination ». Elle met par ailleurs l’accent sur l’effet de solidarité qu’implique cette immunisation, en indiquant qu’outre un bénéfice individuel, elle permet de protéger « ses proches », « les plus fragiles » et plus généralement encore l’ensemble de la population.
Plus on en parle, moins on convainc ?
Après les différents appels lancés par le gouvernement ces dernières semaines, qui ont coïncidé avec une désaffection de plus en plus marquée des Français pour la vaccination, beaucoup doutent que cette nouvelle opération de communication obtienne les effets escomptés. Elle pourrait même paradoxalement accentuer plus encore l’effet de rejet que connaît aujourd’hui le vaccin contre la grippe A (H1N1) tant chez nos compatriotes que chez les professionnels de santé. En effet, au-delà des premiers chiffres révélant la faible réponse des médecins et infirmiers des hôpitaux publics aux incitations à la vaccination, un sondage réalisé sur le JIM du 24 octobre au 9 novembre révèle que les professionnels de santé ne sont désormais plus qu’une minorité à envisager de se faire immuniser.
60 % voulaient se faire vacciner en juillet, ils ne sont plus que 43 % à le souhaiter aujourd’hui !
Les lecteurs du JIM ont été très nombreux à vouloir se prononcer sur cette question, témoignant de la fièvre que peut provoquer tant l’adhésion à la vaccination que son rejet. Mille trois cent trente sept professionnels de santé internautes ont en effet répondu à notre enquête : 48 % pour indiquer qu’ils ne se feraient pas vacciner contre la grippe A (H1N1) cet hiver, 43 % pour affirmer qu’ils avaient bien l’intention de bénéficier de la vaccination et 9 % (une proportion importante) pour témoigner de leur indécision sur le sujet. Trois mois plus tôt, ils étaient bien moins nombreux à n’avoir pas encore fait leur choix : 7 % des 626 praticiens internautes répondaient en effet de la sorte au mois de juillet lorsqu’on les interrogeait sur leur intention de se faire vacciner. Surtout, la nette différence entre les deux enquêtes concerne la proportion de professionnels de santé favorables à la vaccination : 60 % répondaient par l’affirmative quand on leur demandait s’ils se feraient vaccinés contre la grippe A (H1N1) dès l’AMM du vaccin !
Les vaccins avec adjuvants ne doivent pas être craints… même si on ne les utilise pas toujours !
Cette importante diminution de la part de professionnels de santé se déclarant prêts à se faire vacciner est sans doute à mettre au compte de certains défauts dans la communication du gouvernement. Omniprésente, elle n’a cependant pas su donner aux soignants les arguments pour les convaincre de se faire immuniser contre le virus A (H1N1). Les pouvoirs publics n’auront notamment pas été à même de mettre en avant les différences entre cette épidémie et les pics saisonniers de virus grippal : ils n’ont ainsi pas su rappeler que les tranches d’âge concernées n’étaient pas les mêmes et que des sujets jeunes et en bonne santé pouvaient être durement affectés. Ils n’auront pas su également rassurer suffisamment sur l’innocuité du vaccin, n’offrant notamment pas aux professionnels de santé un langage clair sur l’utilisation des vaccins sans adjuvants. Un de nos lecteurs s’interroge en effet : pourquoi faut-il attendre que ces produits soient disponibles pour immuniser certaines catégories de population pourtant prioritaires (les nourrissons de 6 à 23 mois, les femmes enceintes) si les vaccins avec adjuvants sont parfaitement inoffensifs comme on nous le promet ?
Ce que je dis aujourd’hui n’aura sans doute aucune valeur demain
Au-delà de ces informations brouillées et d’un certain probable
effet de lassitude, le revirement de la position des professionnels
de santé s’explique également probablement par une épidémie moins
meurtrière et moins fulgurante que ne le laissaient supposer
certaines prévisions cet été. Pour autant, les trois décès
enregistrés depuis samedi dans deux hôpitaux franciliens tendent à
remettre quelque peu en cause cette appréciation optimiste de la
situation. D’ailleurs, les exemples abondent de ces soignants
choisissant de se faire vacciner après avoir été témoins des
ravages de la maladie. Ainsi, le Parisien révèle aujourd’hui, que
dans le département des Hauts de Seine, « c’est à l’hôpital
Foch, situé à Suresnes, où des cas de grippe A ont été décelés
durant l’été que le pourcentage de médecins et d’infirmiers
vaccinés a été le plus important ». A la lueur de ce
comportement, sans doute peut-on augurer qu’un nouveau sondage,
réalisé dans quelques semaines, après un pic épidémique important,
révélerait un autre revirement. Surtout, face aux différents
éléments qui influencent pour chacun d’entre nous la décision de
nous faire vacciner ou non, il semble que les sondages ne doivent
être considérés que comme un instantané, impropre à prédire les
décisions futures. De fait, bien qu’ils aient été 60 % à assurer
qu’ils se feraient vacciner en juillet, une majorité des
professionnels de santé n’ont aujourd’hui nullement fait suivre
cette intention d’effets !
A.H.