Avec 43 millions de migraineux en Europe, cette pathologie se place au troisième rang des dépenses de santé, juste après les démences et les AVC. L’arrivée des triptans dans l’arsenal thérapeutique a dopé les recherches mais on est encore en attente de nouveautés, fondées sur des mécanismes d’action différents et mieux tolérées.
La première molécule spécifique, l’ergotamine, fut introduite en 1925, alors que l’on pensait qu’elle agissait comme correcteur d’une hyperactivité sympathique. Ensuite, elle fut considérée comme un vasoconstricteur, avant que l’on ne s’intéresse à son action agoniste des récepteurs à la sérotonine. C’est d’ailleurs l’étude de cette activité qui fit entrer le premier triptan en développement.
Quatre modèles animaux ont contribué aux progrès de la connaissance de la neurobiologie de la migraine. Dans le modèle d’inflammation neurogénique de Moskowitz, une stimulation électrique du ganglion du trijumeau entraînait une extravasation protéique dans la dure mère. Ceci a débouché sur la mise au point de plusieurs produits à visée antimigraineuse dont l’action ne reposait pas sur la vasoconstriction. Cependant, les espoirs ainsi fondés n’ont jamais été confirmés par les essais cliniques. Le second modèle, conçu par l’équipe de Goadsby sur le chat, consistait en une neurostimulation des vaisseaux cérébraux. Aucun traitement applicable à la migraine n’a été mis au point à partir de ce dispositif. Ces travaux ont été poursuivis par Strassman et ses collaborateurs qui montrèrent, chez le rat, que, sous l’action de molécules génératrices d’inflammation, administrées dans la dure mère, les neurones du trijumeau étaient à la fois activés et sensibilisés. Alors qu’il semblait prometteur, ce modèle n’a pas permis de développer de nouveaux axes thérapeutiques. Enfin, in vivo chez le rat, il a été possible de suivre les effets vasculaires de plusieurs molécules grâce à l’enregistrement par Doppler des flux corticaux à travers une fine lamelle osseuse.
Cependant, il restait hasardeux d’affirmer que cela correspondait vraiment à l’état migraineux.
Chez l’Homme, en reprenant l’étude de la dépression corticale progressive, mise au point chez l’animal à l’origine, il fut confirmé, bien des années plus tard, qu’il s’agissait d’un processus commun mais les applications se sont fait attendre.
Le monoxyde d’azote est capable de provoquer des crises de migraine intenses. L’un des inhibiteurs de son action, le L-NMMA s’est révélé efficace dans le traitement des crises spontanées mais ses propriétés sont inexploitables en clinique, pour des raisons de pharmacocinétique et de tolérance. Il ne manque pas non plus d’exemples de substances déclenchant des crises mais dont le blocage des récepteurs n’est pas efficace en thérapeutique. Les travaux sur le peptide lié au gène de la calcitonine (CGRP) ont pu être poussés plus loin puisque l’un des antagonistes de ses récepteurs va passer en phase 3 de son développement.
L’énoncé de ces recherches montre que l’expérimentation animale reste nécessaire pour démontrer l’existence de molécules- cibles, de récepteurs, d’enzymes, de canaux ioniques, de propriétés vasodilatatrices mais la validation de ces modèles est imparfaite et, pour les substances naturelles, après études toxicologiques, il est possible d’envisager un passage direct au modèle humain, avec provocation de migraines chez le volontaire sain et chez le migraineux, dans la mesure où la migraine est un trouble réversible, ce qui est exceptionnel en pathologie. Les auteurs qui prônent cette procédure, avancent que c’est celle qu’ils ont suivie pour valider les investigations sur l’olcegepam, antagoniste de récepteurs du CGRP. Cependant cette position rencontre des réticences.
Dr Françoise Ponchie Gardelle