
Le souci de perdre du poids peut conduire à d’autres excès et notamment à la consommation de produits amincissants qualifiés de « naturels », mention destinée bien sûr à rassurer les utilisateurs (trices), bien que, très souvent, la quantité exacte et le degré de pureté des ingrédients d’origine végétale qu’ils contiennent ne soient pas précisés. De surcroît, les patient(e)s ne signalent même pas à leur médecin ce qu’elles ont absorbé puisqu’il s’agit de quelque chose de naturel et donc réputé inoffensif…Un présupposé qui peut conduire à des incidents dommageables comme l’illustre une observation exemplaire rapportée par des auteurs napolitains.
Une jeune fille de 22 ans, obèse (indice de masse corporelle 32)
consulte pour un ictère et une symptomatologie douloureuse. Malgré
un interrogatoire soigneux, elle ne déclare aucune prise
médicamenteuse sinon du paracétamol pour une dysménorrhée. Son
tableau clinique se compose d’un ictère, de prurit, d’une douleur
épigastrique, d’une fébricule, de vomissements avec urines foncées
et décoloration des selles. L’examen retrouve une douleur provoquée
de l’hypochondre droit,
cependant que les épreuves fonctionnelles sont toutes perturbées
(bilirubine, phosphatases alcalines, γGT, transaminases). Les
sérologies (hépatites, HIV, cytomégalovirus, etc.) sont négatives,
de même que la recherche des anticorps anti-nucléaires, le dosage
de l’α-fœtoprotéine, etc.
L’échographie montre une micro-lithiase vésiculaire et la résonance
magnétique nucléaire (cholangio-IRM) une dilatation de la voie
biliaire principale (VBP), qui paraît interrompue. En conséquence,
après une courte antibiothérapie, une sphinctérotomie endoscopique
est réalisée qui permet l’évacuation de sable biliaire.
Il en résulte une amélioration biologique modérée (baisse discrète des transaminases).
Une cholécystectomie sous cœlioscopie convertie secondairement devant l’aspect inflammatoire et hémorragique de la vésicule, lithiasique, est pratiquée et un drainage à la Volcker (trans-ampullaire) est laissé dans la VBP. Les suites sont marquées par une chute puis une ré-ascension des enzymes hépatiques et de la bilirubine, malgré le drainage biliaire.
C’est alors que les proches de la patiente signalent qu’elle a suivi une phytothérapie et apportent le flacon des produits utilisés, acheté « pour maigrir » dans une herboristerie. Il contenait du Lycopodium serratum (Jin Bu Huan) et de la chélidoine, tous deux connus pour leur hépato-toxicité. Un mois après l’arrêt de ce « traitement », les troubles se sont amendés.
De quoi remettre en question, l’innocuité des « médecines douces ».
Dr Jean-Fred Warlin