Plus de 400 enfants et jeunes adultes sont morts par balle aux Etats-Unis depuis la tuerie de Newton !

Washington, le mercredi 9 janvier 2013 –Le massacre de vingt-sept personnes dans une école primaire de Newton (Connecticut) le 14 décembre dernier est une tragédie. Mais  ce n’est pas seulement, comme l’a exprimé avec émotion le Président américain Barack Obama, parce que la plupart des victimes étaient des jeunes enfants, auxquels un bel avenir, fait de fêtes, de mariages et de promesses, a été ravi par la furie d’un homme. C’est une tragédie, parce qu’il ne s’agit pas d’un acte unique. D’autres fusillades meurtrières ont endeuillé l’Amérique ces derniers mois, par exemple à Aurora en juillet, lorsqu’un homme a ouvert le feu dans un cinéma et y a assassiné douze personnes. Mais les massacres de Newton, d’Aurora ou encore de Virginia Tech et Columbine ne comptent que pour une « petite part du nombre de personnes tuées et blessées par une arme à feu » chaque année aux Etats-Unis rappelle Garen J. Wintemute (University of California, Davis, Sacramento) dans un éditorial publié par le New England Journal of Medicine.

En 2011, quatre-vingt huit américains sont morts chaque jour, tués par une arme à feu, tandis que 202 étaient blessés. Pour la première fois en 2012 selon l’auteur on devrait compter plus de morts liées à des homicides et des suicides par balle qu'à des accidents de la route.

Deux fois plus de risque de mourir tué par un balle que par un cancer

Ces chiffres édifiants font écho à ceux rappelés par Judith S. Palfrey et Sean Palfrey (Boston Children’s Hospital) dans un second éditorial : en 2010 les blessures par arme à feu ont provoqué la mort de 6 570 enfants et jeunes adultes (de 1 à 24 ans), soit 17 par jour. Aujourd’hui, les blessures par balle représentent la principale menace pour les enfants américains. Leur risque d’être tués ainsi tués est deux fois plus élevé que celui de mourir d’un cancer, cinq fois plus important que d’être frappé par une affection cardiaque et 15 fois plus que par une maladie infectieuse.

Une recommandation classique

Face à cette situation, la position de l’American Academy of Pediatrics (AAP) rappelée en octobre 2012 est simple : « L’absence d’armes à feu au sein de la maison et de la communauté est la meilleure façon d’éviter le suicide, les homicides et les blessures involontaires chez les enfants et les adolescents ». Cette recommandation de l’AAP rappelle que la prévention de la mortalité par arme à feu est depuis de nombreuses années une mission quotidienne des pédiatres aux Etats-Unis. Dans les années 90, alors que le taux de décès par balle chez les adolescents atteignait des niveaux alarmants (28 pour 100 000 chez les 15/19 ans), les pédiatres ont en effet commencé à associer à leurs messages concernant les accidents domestiques des informations sur les dangers des armes. Par ailleurs, les recommandations de l’AAP incitent les praticiens à dispenser des conseils spécifiques dès lors qu’une famille mentionne la présence dans son foyer d’une ou plusieurs armes. Ces messages doivent en outre redoubler d’intensité dès lors qu’a été diagnostiqué chez l’enfant ou l’adolescent un trouble mental ou du comportement.

70 % des pédiatres n’oublient pas d’évoquer la question des armes à feu

Ces préconisations sont très bien suivies par la majorité des pédiatres. Judith S. Palfrey et Sean Palfrey rappellent ainsi les résultats d’enquêtes menées par l’AAP évaluant à 70 % le pourcentage de pédiatres affirmant évoquer « toujours ou souvent » la question des armes avec leurs patients et leur famille. Par ailleurs, en 2008, 50 % des praticiens « recommandaient systématiquement ou souvent de se séparer de l’arme ». Une étude conduite par le Pediatric Research in Office Settings network paraît avoir mis en évidence l’efficacité de ce type de conseils. Il est en effet apparu que les familles recevant par leurs praticiens des recommandations concernant le stockage des armes sont plus souvent enclines à adopter des mesures de prévention (pouvant aller jusqu’à l’abandon de l’arme) que celles non informées par leur médecin. Il apparaît cependant que les médecins exerçant dans des états où les armes sont plus nombreuses ne sont pas nécessairement les plus prompts à aborder cette question.

En Floride, la parole des médecins est muselée

Potentiellement efficaces, ces mesures ne sont pas du goût de tous. La Floride a ainsi fait adopter en 2011 une loi considérant comme illégales les questions préventives des médecins concernant la possession d’armes par les familles. Une action judiciaire a été alors intentée par l’AAP en Floride. L’organisation a obtenu gain de cause et l’abrogation de la loi a été requise par un tribunal de Miami. Cependant, le gouverneur Rick Scott a fait appel de cette décision et des législations similaires ont depuis été introduites dans trois autres états déplorent avec force Judith S. Palfrey et Sean Palfrey.

Parallèlement, le Congrès a restreint les activités de recherche des Centers for Disease Control and Prevention concernant les blessures et les morts par balle. Autant d’éléments déplorés par les éditorialistes qui appellent à un réveil de la « nation » sur ce sujet et plus globalement sur la question de la possession des armes à feu aux Etats-Unis.

Aurélie Haroche

Références
Wintemeute GJ : Tragedy’s legacy, N Eng J Med, publication avancée en ligne 26 décembre 2012.
Palfrey JS et Palfrey S : Preventing gun deaths in children. N Eng J Med, publication avancée en ligne 26 décembre 2012.

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