
Limiter la consommation des œufs est l’une des recommandations fréquemment délivréespour prévenir les maladies cardiovasculaires. Pourtant, on sait depuis plusieurs années que le cholestérol alimentaire influe relativement peu sur la cholestérolémie. En outre, les résultats des études épidémiologiques sur la relation entre la consommation d’œufs et l’incidence des maladies cardiovasculaires sont discordants. Enfin, la composition nutritionnelle des œufs, notamment protéique et vitaminique, pourrait réduire certains facteurs de risque dont l’hypertension artérielle.
Une nouvelle méta-analyse fait la synthèse des données d’observation existantes. Ce sont au total 17 analyses qui ont pu être regroupées. Neuf d’entre elles concernent la maladie coronaire, les huit autres les accidents vasculaires cérébraux (AVC). Le recueil de données a été effectué à l’aide de questionnaires de fréquence de consommation des aliments. Les modes de cuissons, l’ajout de sel et les modalités d’alimentation des poules étaient rarement connues et donc ces informations ne sont pas prises en compte dans les analyses. Enfin, la moitié des études ont mis à jour, au moins une fois au cours du suivi, le recueil alimentaire pour révéler d’éventuels changements des habitudes de consommation des œufs dans la cohorte.
Un total de 263 938 sujets ont été suivis pendant une durée moyenne s’échelonnant entre 8 et 22 ans. Les auteurs n’ont pas constaté d’hétérogénéité parmi les études et le risque de biais de publication est considéré comme faible.
Globalement, il n’a pas été retrouvé de relation entre le risque coronaire ou d’AVC et l’importance de la consommation d’œufs. Des études de sous-groupes (analyses de sensibilité) ont confirmé la robustesse de ce résultat. Curieusement, une consommation importante d’œufs était associée à un risque coronaire plus élevé chez les patients diabétiques et à un risque plus faible d’AVC hémorragique.Selon les auteurs, ces dernières données doivent impérativement être confirmées avant d’en tirer une quelconque conclusion.
Les résultats de cette méta-analyse ont le mérite de relativiser le risque souvent perçu comme très élevé d’une consommation trop fréquente d’œufs. Toutefois, l’importance des biais de confusion potentiels et la probabilité d’un effet de rétro-causalité (les personnes à risque ont tendance à réduire leur consommation d’œufs) doivent inciter à la prudence dans l’interprétation de ces données.
En pratique, cette étude conforte l’idée que limiter les œufs n’est probablement pas la première des recommandations à formuler pour prévenir les maladies cardiovasculaires, même en cas d’hypercholestérolémie.
Dr Boris Hansel