Mastectomie, ovariectomie, anti-œstrogènes : et s’il existait une autre voie pour prévenir le cancer du sein ?

Paris, le samedi 1er juin 2013 – Le 14 mai dernier, le New-York Times ouvrait ses pages à l’actrice Angelina Jolie qui révélait avoir choisi de subir une double mastectomie afin d’échapper à une malédiction familiale : une mutation du gène BRCA1 ayant déjà emporté sa mère et qui devait quelques jours plus tard tuer sa tante. La répercussion de ce témoignage n’a sans doute pas été la même aux Etats-Unis et en France. Manifestation héroïque de la nécessité de prendre son destin en main outre-Atlantique, cette confession aura été lue en France comme l’évocation d’une tragédie personnelle. Rares ont en outre été les commentaires signalant l’extrême différence existant entre la France et les Etats-Unis quant à l’attitude des professionnels de santé face à une patiente porteuse d’un gène BRCA1 ou BRCA2. Toutefois le journaliste et médecin Jean-Daniel Flaysakier a proposé sur son blog une comparaison critique des différences de prise en charge ( http://www.docteurjd.com/2013/05/15/cancer-du-sein-lacte-doublement-couageux-dangelina-jolie/ )

Pour nous, le docteur Philippe Vignal, gynécologue et auteur de l’essai : « L’enfer au féminin. Sortir du cycle : règles, pilule, cancer » ne s’attarde pas sur les divergences entre praticiens français et américains mais préfère attirer notre attention sur une piste, prometteuse selon lui, et pourtant inexplorée pour prévenir le cancer du sein, qui pourrait s’appliquer à certaines femmes à haut risque.

Par Philippe Vignal, gynécologue et obstétricien (Paris)

L’annonce récente de la décision d’Angelina Jolie de subir une mastectomie préventive  m’inspire quelques commentaires. On rappellera tout d’abord que les cancers d’origine génétique sont rares.  Dans 9 cas sur 10, le cancer survient sans aucun contexte familial. En fait, la véritable cause du cancer est hormonale.  Sur 100 cancers du sein, 99 se déclarent chez les femmes. Même les patientes BRCA ont besoin d’un environnement hormonal  comme en témoigne l’absence d’augmentation du risque du cancer du sein chez  les hommes porteurs d’un BRCA 1. Le cancer du sein obéit aux mécanismes classiques de la cancérogénèse hormonale : augmentation de la division cellulaire par stimulation hormonale, mutation génétique non réparée, cancer. Une étude récente portant sur la cohorte e3n (www.e3n.fr) a mis en évidence un lien direct entre le nombre de cycles et le risque de cancer du sein. Un autre argument puissant en faveur de ce mécanisme est l’efficacité remarquable des  anti-œstrogènes dans le traitement du cancer du sein.

Le tamoxifène en préventif : inexistant en France, marginal aux Etats-Unis

Pour une maladie aussi grave et fréquente que le cancer du sein, il est regrettable de ne pas disposer, en plus du dépistage, d’une méthode simple de prévention primaire. Nous sommes mieux armés contre le cancer du col, avec sa double stratégie de prévention associant le frottis et le vaccin HPV.
La mastectomie n’est pas la seule méthode de prévention primaire du cancer du sein. Des actions à visée hormonale sont possibles. Certaines sont bien connues comme les  anti-œstrogènes ou l’ovariectomie, d’autres mériteraient qu’on leur porte plus d’intérêt, comme la mise en sommeil des ovaires par une contraception progestative pure.
En prévention primaire chez les femmes à haut risque de cancer du sein, le tamoxifène est utilisé aux USA depuis son agrément par la FDA, en 2005. Rappelons qu’il n’a pas cette AMM en France. Là bas, il ne rencontre que peu de succès auprès des gynécologues du fait de son absence de propriété contraceptive, du risque de phlébite et d’une efficacité non encore  démontrée sur la réduction de la mortalité. De plus comment pourraient-ils adhérer à cette stratégie anti œstrogènes, eux qui  prescrivent largement des contraceptifs oestro-progestatifs et des traitements hormonaux de ménopause ? 

Briser la loi du cycle

Une façon moins violente de réduire la production ovarienne est la contraception progestative antigonadotrope. Elle agit par une mise en sommeil des ovaires non compensée par un apport d’œstrogène de synthèse. Sa capacité à diminuer le nombre de cycles et de ce fait l’exposition aux œstrogènes en fait une excellente candidate pour la prévention du cancer du sein. Cette affirmation n’est pas que théorique. Une étude faite conjointement à Necker et Gustave Roussy, parue en 1994, avait en effet montré l’efficacité de la progestérone à dose anti ovulatoire dans la prévention du cancer du sein (1).
Les immenses espoirs suscités par les résultats de cette étude sont à l’évidence passés inaperçus car aucun travail ultérieur n’a été fait. Il serait temps de s’y intéresser à nouveau, d’autant qu’il existe sur le marché une pilule progestative pure de la même famille que la progestérone prescrite dans ce travail. Sans œstrogènes, avec une efficacité contraceptive équivalente à celle des oestroprogestatifs, elle ne présente pas de risque accru de phlébite. Son seul inconvénient est de supprimer les règles, mais est-ce un inconvénient ?

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