Paris, le samedi 29 juin 2013 – La journée mondiale de lutte contre le tabac n’a guère été l’occasion d’énumérer les bonnes nouvelles : le tabagisme reste un fléau dans notre pays et en dépit de l’ensemble des actions mises en œuvre, rien ne paraît endiguer durablement ce phénomène. Sans doute faut-il y voir (entre autres) un échec des messages répétés ad libidum sur les méfaits du tabac qui semblent n’avoir que peu d’impact sur les fumeurs. Si cette communication centrée sur la mise en avant des risques a fait long feu, l’efficacité des déclarations pointant du doigt les manœuvres (notamment marketing) de l’industrie du tabac, très en vogues aujourd’hui, ne paraît guère plus flambante.
Face à ces écueils, Véronique Dumoulin-Bohle (qui dirige une agence qui propose des séances d’incitation au sevrage au sein des entreprises) propose d’engager avec les fumeurs une réflexion sur les raisons sous jacentes de leur comportement addicitf. Dans une telle perspective, le caractère symptomatique de l’addiction serait mieux pris en compte et le fumeur ne serait plus vu comme un être inaccessible à tout raisonnement (même celui du pire) mais comme un patient en proie à diverses failles et manques. L’idée est sans doute séduisante mais pourrait être plus difficile à appliquer que le rappel, bien plus simple, des dangers du tabac.
par Véronique Dumoulin-Bohle, dirigeante de Juveli Conseil.
En 1561, Philippe Nicot, ambassadeur de France à Lisbonne, pouvait-il imaginer qu’en envoyant à Catherine de Médicis du tabac pour soulager ses migraines, son nom serait associé à un produit dont la consommation annuelle a atteint des chiffres impressionnants au cours de ces dernières années et qui est devenu la première cause de mortalité en France ?
Le monde n’a jamais connu de produit créant plus forte dépendance que le tabac... Si les campagnes d’information ont été nombreuses, celles-ci reposant souvent sur la peur, force est de constater qu’elles ne fonctionnent pas. Cela augmente l’angoisse des fumeurs et leur donne encore plus envie de fumer, donc ces campagnes sont contre productives. Par ailleurs, c’est à l’adolescence que les jeunes commencent à fumer et, la plupart du temps, les messages diffusés n’utilisent pas les leviers susceptibles d’atteindre les objectifs souhaités. Il semble important d’éduquer les jeunes en s’intéressant à la question du comportement, car c’est les armer pour en faire des adultes capables d’affronter les pièges de la vie. Interdire ne sert à rien, si ce n’est justement inciter à contourner cette interdiction par tous les moyens.
Il n’y a pas de fumée sans feu
Le rapport de la Cour des comptes de décembre 2012 a révélé que malgré toutes les campagnes de prévention, la suppression de toute publicité, les interdictions de fumer dans les lieux publics et dans les écoles, les hausses de prix du tabac qui devraient dissuader de commencer, le pourcentage de fumeurs ne décroit pas. Il augmente même de 2,5 % pour les femmes et les personnes en difficulté. L’argent dépensé serait-il parti en fumée ?
Fumer est une réponse et aussi une demande, c’est un symptôme, « Dépendre de » c’est être sous la domination, sous l’emprise. C'est exactement ce qui se passe quand un comportement devient inévitable et automatique. Certains fumeurs disent qu’ils aiment le goût du tabac, qu’ils éprouvent du plaisir à fumer, la cigarette devient circonstance, contact, détente, accessoire, bouche-trou, coupe-faim... Même si cela est vécu comme un plaisir, ce comportement est un leurre. Fumer est un lien, un rôle symbolique d’identité qui va permettre de supprimer un stress, une souffrance, dont certains ne sont pas conscients. Il semble inutile pour le moment de les convaincre. Pourtant, une prévention plus ciblée, plus pédagogique et ludique même, permettrait peut-être de leur faire comprendre ce qui se cache derrière leur geste. Faire de la prévention pour informer sur le comportement, et non pas sur les risques, sans culpabiliser, permettrait de semer des petits cailloux sur le chemin de la liberté.
Aborder l’individu dans sa spécificité
D’autres au contraire souhaitent se libérer de cette addiction et pourtant n'en trouvent pas la force. Ils disent d’une manière presque désespérée : « Je voudrais bien mais je ne peux pas ». Se libérer de cette addiction est une décision suite à un raisonnement logique où la volonté n'a, malheureusement, qu’un pouvoir très temporaire. La volonté ne peut agir sur les automatismes qui sont ancrés dans le cerveau. La simple volonté ne suffit pas. C’est la motivation qui est le moteur ou le cœur de nos actes. Nous ne faisons bien que ce que nous avons envie de faire. Nul n’arrêtera de fumer s’il n’en a pas le désir.
Si un fumeur n’est pas prêt à arrêter, toute technique ou substitut aussi puissant qu’il soit ne fonctionnera pas. Les produits de substitution vont même jusqu’à renforcer le sentiment d’échec et faciliteront les rechutes. En revanche, aborder l’individu dans sa spécificité et aussi informer largement sur les mécanismes de la dépendance, les idées préconçues, les pièges à éviter, sont des atouts efficaces. Le passage à l’acte ne pourra se faire que si les motifs «pour » sont supérieurs aux motifs « contre ». L’indépendance peut être acquise dans le temps, le principal est d’atteindre l’objectif fixé. Il n’y a pas d’échec, ni de rechute, il y a juste des humains qui font de leur mieux pour comprendre et trouver les solutions qui correspondent à chacun pour s’en débarrasser. Etre aidé, c’est comprendre et trouver les solutions avec des spécialistes. L’idéal serait de faire de la prévention différente, sans culpabilité, en entreprise, dans les collectivités et surtout chez les jeunes, afin qu’ils n’achètent pas ce premier paquet.
Plus nous ferons de la prévention pédagogique, ludique, plus nous contribuerons à ouvrir les yeux sur les mécanismes de la dépendance et les chemins possibles pour prendre le contrôle de soi et se libérer, et revenir à un état naturel.
Le titre et les intertitres sont de la rédaction du JIM