La traque des « gènes de susceptibilité » aux maladies n’épargne pas la psychiatrie. Bien au contraire, elle alimente l’émergence d’une « nouvelle psychiatrie » ancrée au plus profond de la biologie : la génétique. Illustration dans l’American Journal of Psychiatry, publiant une étude allemande sur l’implication très probable du locus G 72 (situé au niveau du chromosome 13q) dans plusieurs affections constituant en somme le « noyau dur » de la psychiatrie : schizophrénie, maladie bipolaire, panique (panic disorder)… Cette étude s’appuie sur un groupe de 500 personnes atteintes de dépression sévère (comparées à 1 030 sujets-témoins). Les auteurs avaient déjà montré que certains marqueurs génétiques (M23 et M24) se retrouvent à la fois dans la schizophrénie, la maladie bipolaire et la panique. Selon les chercheurs, ces travaux renforcent l’hypothèse (préalable) de « continuum morbide », c’est-à-dire d’un chevauchement nosographique entre plusieurs affections considérées habituellement comme autant d’entités distinctes : la schizophrénie, l’autisme, la maladie bipolaire, la dépression sévère, la panique...
Pour les auteurs, le dénominateur commun à tous ces troubles en apparence distincts serait le concept anglo-saxon de « neuroticism », dû semble-t-il au psychologue anglais d’origine allemande Hans Eysenck (1916-1997), un concept sans équivalent francophone exact (excepté des néologismes comme « névrosisme » ou « neuroticisme ») mais recouvrant un contexte de grande anxiété avec « hypernervosité ».
Vu l’essor de cette démarche, les psychiatres devront recourir de plus en plus aux conseils des généticiens pour discuter l’existence d’un risque familial. Avec cette difficulté supplémentaire liée à la nature polygénique du problème (implication courante de plusieurs gènes pour obtenir un certain phénotype morbide) et à l’intrication possible de la susceptibilité génétique avec des facteurs d’environnement ou psychosociaux.
Dr Alain Cohen