A comme Autisme et Amygdale

Dans la mesure où des données de neuro-imagerie et des études post-mortem suggéraient déjà l’existence d’anomalies neuro-anatomiques affectant certaines régions cérébrales chez des sujets ayant des troubles du registre autistique (ASD pour autism spectrum disorder)*, en particulier l’amygdale, une recherche a été consacrée à l’exploration de ce trouble en imagerie par résonance magnétique (incluant des vues en 3 dimensions).

Fruit d’une collaboration entre des équipes de Corée du Sud et des États-Unis, cette étude porte sur 51 enfants âgés de 6 à 7 ans : 15 garçons et 5 filles avec autisme, 9 garçons et 2 filles avec trouble envahissant du développement (pervasive developmental disorder), et un groupe-témoin de 12 garçons et 8 filles, dits « neurotypiques » (typically developing).

Chez les enfants diagnostiqués ASD, les volumes amygdaliens sont significativement augmentés (environ +13 % à droite et +11 % à gauche) par rapport aux sujets-témoins. On observe aussi un élargissement s’étendant aux zones latérobasales de l’amygdale et une association de ces anomalies avec des déficits dans les domaines de la socialisation et de la communication.

Cette étude confirme donc l’existence d’une dimension organique (en l’occurrence neuro-anatomique et neuro-physiologique) dans le déterminisme de l’autisme. Exerçant à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne, le Pr. Nouchine Hadjikhani (1) rappelle toutefois que certains autistes, notamment les sujets avec syndrome d’Asperger (qui se désignent familièrement eux-mêmes « les Aspies ») ne se considèrent pas comme « malades », mais simplement comme « différents. »

Une association (Aspies For Freedom) exprime d’ailleurs cette revendication identitaire : « L’autisme n’est pas une maladie. Nous nous opposons à toute tentative de ‘‘guérison’’ des personnes qui ont une condition d’autiste, et de normalisation contre leur volonté. » Affichant un droit inaliénable à la différence, et une volonté de s’insurger contre toute discrimination venue des « neurotypiques », cette association renverse d’ailleurs, non sans humour, le principe des études, comme celle présentée ici, pour voir le « problème » résider en fait chez les autres, les non autistes, les « sujets-témoins » de ces recherches. Selon eux, « le syndrome neurotypique est un trouble neurobiologique caractérisé par une préoccupation excessive par les problèmes sociaux, un délire de supériorité et une obsession du conformisme. » D’où un retournement total de la perspective de ces recherches : « La neurotypicalité est un trouble d’origine génétique. Des autopsies ont démontré que le cerveau des neurotypiques est plus petit que celui des autistes, et que les zones de l’interaction sociale sont hypertrophiques. »

Relativité des points de vue… On dit qu’Einstein lui-même serait peut-être, aujourd’hui, étiqueté autiste !

*L’autism spectrum disorder correspondant à peu près en français aux dénominations « trouble d’allure autistique » ou « trouble envahissant du développement ».  

 

[1] http://podcast.unil.ch/podcast/ssp/iscm/cmtb_2008/cmtb_17_Hadjikhani_slides.pdf

Dr Alain Cohen

Référence
Kim JE et coll. : Laterobasal amygdalar enlargement in 6-to-7 year old children with autism spectrum disorder. Arch Gen Psychiatry 2010 ; 67 (11) : 1187-1197.

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