Affaire du Fonds Josefa : l’ANSM déboutée par la justice administrative

Bordeaux, le vendredi 17 mars 2023 – La cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé la décision de l’ANSM d’interrompre les essais cliniques non autorisés menés par le Pr Jean-Bernard Fourtillan.

C’est une nouvelle étape judiciaire dans une sombre affaire d’essais thérapeutiques illégaux vieille de près de quatre ans. Le 2 mars dernier, la cour administrative d’appel (CAA) de Bordeaux a infirmé la décision prise par le tribunal administratif de Poitiers le 23 juillet 2020 et a annulé les mesures d’interdictions prises par l’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) en septembre 2019 à l’encontre du Fonds Josefa. L’agence avait à l’époque interdit des essais thérapeutiques sauvages sur le traitement de diverses maladies neurologiques (maladie de Parkinson et d’Alzheimer notamment) menés par ce groupuscule sans aucune autorisation.

Selon le communiqué de l’ANSM publié ce jeudi, la décision de la CAA, qui va à l’encontre des réquisitions du rapporteur public, se fonde uniquement sur des questions de procédure et ne « remet pas en cause le fondement de l’action de l’ANSM ». L’agence annonce donc qu’elle va se pourvoir en cassation devant le Conseil d’Etat et demander la suspension de la décision de la CAA, « afin de protéger les patients en maintenant l’interdiction de réaliser illégalement des recherches sur la personne humaine ».

La valentotine, une hormone « miracle » à l’existence douteuse

Le Fonds de dotation Sœur Josefa Menendez est un groupe de chercheurs qui n’est relié à aucune université ou établissement de santé. Il a été créé et est présidé par le Pr Jean-Bernard Fourtillan, pharmacien, en collaboration avec son ami le Pr Henri Joyeux, cancérologue et chirurgien digestif. Tous deux proche des milieux ultra-conservateurs, les deux hommes sont connus pour leurs positions extrêmement controversées contraires à la rationalité scientifique et n’ont pas hésité, durant la pandémie de Covid-19, à défendre diverses théories complotistes, notamment sur la prétendue dangerosité des vaccins.

Le Pr Fourtillan prétend avoir découvert, grâce à une « révélation divine », une hormone inconnue sécrétée par la glande pinéale qu’il a nommée « valentonine » et dont l’existence n’a jamais pu être confirmée par des études scientifiques sérieuses. Selon les membres du Fonds Josefa, la valentonine pourrait permettre de soigner de nombreuses maladies neurologiques, comme les maladies de Parkinson et d’Alzheimer ou la sclérose en plaque mais également la dépression ou les troubles du sommeil. Le Pr Fourtillan n’hésite pas à inciter ses adeptes à lui faire des dons pour financer ses recherches, mais également, de ses propres aveux, pour payer ses factures et s’acheter des lingots d’or (!). Un comportement qui a valu au Fonds Josefa plusieurs signalements auprès de la Miviludes, l’organisme gouvernemental luttant contre les sectes.

Le Pr Fourtillan toujours mis en examen

Les activités peu recommandables du Fonds Josefa ont été mises en lumière en 2019 lorsque l’ANSM a découvert que le Pr Fourtillan menait au sein d’une abbaye de la région de Poitiers un essai thérapeutique consistant à administrer des patchs cutanés contenant de la prétendue valentonine et du 6-méthoxy-harmalan à plus de 350 patients atteints de maladies neurologiques. « Cette expérimentation a été conduite sans autorisation de l’ANSM avec des substances dont la qualité, la sécurité et l’efficacité n’ont pas été évaluées, un risque pour la santé n’est pas exclu » considérait à l’époque et considère toujours l’ANSM. Après avoir demandé au Pr Fourtillan de mettre fin à son essai sauvage, sans succès, l’ANSM avait pris une mesure d’interdiction, qui vient donc d’être annulée par la justice administrative.

Si la décision de la CAA de Bordeaux constitue une victoire judiciaire pour le Pr Fourtillan, il reste toujours mis en examen dans le volet pénal de l’affaire, ce qui lui a valu plusieurs passages en détention provisoire (et également en hôpital psychiatrique) ces trois dernières années.

Nicolas Barbet

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