
Délai dans progression du PSA : 20 mois contre 19
Dr Pierre Margent
Dr Pierre Margent
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Notez, d’emblée, que 15 à 30 % des patients traités pour un cancer de la prostate (CP), localisé, présentent, de façon assez inattendue, une progression de l’antigène prostatique spécifique (PSA) dans les 10 années suivantes, le délai médian étant de 8 à 10 ans avant l’apparition de métastases à distance.
Ce qui signifie, aussi, qu’au moins 70 % au moins, peut-être même 85 %, des cancers de prostate découverts par le taux de PSA n’auront jamais de progression. Ce fait est bien connu : le cancer localisé quiescent. Pourquoi les traiter sans véritablement connaître leur danger potentiel ?
Recours à l’histoire.
1878. C’est la surprise générale pour les médecins français qui suivent les cours et les travaux d’anatomie pathologique réalisés à Strasbourg par un médecin allemand, nommé par Bismarck (annexion de l'Alsace en 1870), élu trois fois doyen de la Kaiser-Wilhelm-Universität : Von RECKLINGHAUSEN. Celui-ci constate et note, en allemand gothique difficile à lire sur des petits papiers, les résultats de ces autopsies systématiques et que les cancers de la prostate sont de deux sortes :
a) Les cancers quiescents (environ 90 %) qui le restent sans jamais donner de métastases le dossier hospitalier des services de HC de Strasbourg en fait foi, par le caractère très complet des autopsies.
b) Les cancers qui métastasent et cette fois, dès leur apparition au point même de quitter l’organe qui leur a donné naissance à 100 % parfois, à 80 % presque toujours.
Mais ces travaux allemands sur la prostate ne seront jamais publiés. Les autopsies continueront de 1878 à 1978, un siècle. Ils resteront inconnus classés au premier étage de l’Institut, où LOUIS FRUHLING son successeur en 1961 me montre ces notes manuscrites à traduire. Pourquoi l’auteur ne les a pas publiés ? Von Recklinghausen est passionné par bien d’autres sujets.
Lesquels ? La neurofibromatose de type 1, le syndrome de Recklinghausen, en fait l’acromégalie, la maladie de Von Recklinghausen-Appel Baum (ou syndrome de Troisier-Hanot-Chauffard). Mais surtout par l’hémochromatose. Moins connus, l’ostéite fibrokystique de Von Recklinghausen (ou maladie de Engel-Recklinghausen): les manifestations osseuses (tuméfactions et déformations des tibias, des avant-bras, des mâchoires avec chute des dents) lors de l'hyperparathyroïdie primitive, les tumeurs de Von Recklinghausen, etc.
Faute de pouvoir prédire le caractère non métastasant des cancers localisés quiescents, plusieurs facteurs de risque sont invoqués pour tenter d’établir leurs dangerosités variables par un score de Gleason élevé de 8 à 10 (un score justement bien débattu ces derniers temps), par un temps assez court entre premier traitement et la remontée du PSA (moins de 3 ans), par une vélocité du PSA de plus de 0,75 ng/ml par an et par un temps de doublement du taux de PSA de moins de 6 mois.
Oublions le Gleason. Voyons le temps assez court entre premier traitement et la remontée du PSA (moins de 3 ans). Nous avions un cancer quiescent, naïf, non encore traité. Nous voici devant un cancer muté. Par quoi ? Par la castration chimique, par l’analogue. Nous avions un cancer quiescent. Nous voici devant un CRPC, un cancer résistant à la castration. On devrait dire un cancer muté par la castration.
Comment espérer que le docétaxel, un poison issu du monde végétal, un alcaloïde obtenu par hémisynthèse à partir d'une molécule extraite des feuilles de l'if européen puisse modifier la progression de ce cancer muté qui est régi par les hormones stéroïdiennes ?
A ce jour, il n’y a toujours pas de consensus sur les traitements à mettre en œuvre dans une telle situation. Nombre de praticiens ont recours à un traitement de privation androgénique (ADT).
Pourtant sans aucune preuve établie de l’intérêt de cette mesure en cas de rechute biologique isolée du PSA.
L’association ADT-docétaxel a fait ses preuves (?), dans 3 essais cliniques randomisés, et celle de sa faible efficacité en situation de cancer métastatique (encore) hormonodépendant, avec, globalement, un gain de 9 % pour la survie globale et une baisse de 16 % du taux d’échec à 4 ans. Oui mais bien peu !
Un essai clinique a donc été mis en place afin de comparer la combinaison ADT-docétaxel vs ADT en monothérapie chez des malades atteints de CP localisé, traités initialement par prostatectomie radicale et/ ou radiothérapie, présentant une réascension du taux de PSA.
Après un suivi médian de 10,5 ans, on ne décèle aucune différence dans la fréquence d’apparition de lésions secondaires osseuses radiologiquement visibles. Il y a eu 40 décès (32,0 %) dans le bras ADT-docétaxel et 46 (36,8 %) en cas d’hormonothérapie seule.
Conclusion des auteurs : aucune de ces évolutions létales n’est liée au traitement. Alors qu’elles le sont dans 85 % des cas.
Dr Jean Doremieux