Alerte dans les abattoirs : des clusters pas comme les autres ?
Orléans, le lundi 18 mai 2020 – Parmi les vingt-cinq nouveaux
foyers d’infection par SARS-CoV-2 recensés en France depuis que le
pays s’est engagé dans une sortie prudente du confinement, trois
concernent des abattoirs. En Vendée, vingt personnes (sur 700
salariés) ont été testées positives dans un centre d’abattage de
volailles (Essarts-en-Bocage). A Saint-Brieuc dans les Côtes
d’Armor, le total provisoire des cas confirmés dans l’abattoir de
la ville atteint pour l’heure 69 selon un communiqué de l’Agence
régionale de Santé (ARS) de Bretagne. Enfin, dans le Loiret, près
d’Orléans, on recense 34 personnes infectées, mais les
investigations devraient être élargies aux 400 salariés de
l’entreprise de traitement de la viande d’ici mardi. Ces foyers
suscitent une certaine inquiétude, notamment parce qu’ils sont
concentrés dans l’Ouest de la France, où la circulation du virus
est faible (et où la filière de la viande est largement déployée),
mais témoignent également d’une certaine maîtrise du suivi des
cas.
Des tensions sur le marché américain
La multiplication des cas dans des abattoirs n’est pas
spécifique à la France. Dans plusieurs autres pays d’Europe
(Allemagne, Espagne, Irlande notamment) et du monde (Australie,
Brésil, Canada, Etats-Unis), une concentration de malades a été
constatée dans les centres de traitement de la viande. Aux
Etats-Unis, les Centers for Disease Control and Prevention
(CDC) ont publié le 8 mai une note recensant 4 913 cas dans 115
abattoirs situés dans 19 états. Au total, 3 % des employés des
centres ayant signalé des cas ont été infectés par SARS-CoV-2 et 20
décès ont été déplorés. Le taux d’infection variait entre 0,6 et
18,2 % dans les établissements concernés, dont certains ont été
fermés, ce qui a entraîné de véritables tensions
d’approvisionnement sur le marché américain.
Des travailleurs pauvres et des conditions de travail
difficiles
Pour expliquer cette apparente vulnérabilité des abattoirs, les
experts des CDC mettent principalement en avant la difficulté de
faire strictement respecter les mesures barrière au sein
d’établissements où la disposition des lieux ne permet pas toujours
facilement d’assurer une distance suffisante entre les salariés.
Cette exiguïté se retrouve notamment sur les lignes de production
mais également dans les espaces dédiés aux pauses ou à la
restauration. Par ailleurs, les contraintes physiques liées au
travail exécuté peuvent favoriser un certain inconfort lié au port
du masque et conduire à une multiplication des manipulations. En
outre, la transpiration peut rendre plus rapidement inefficace les
dispositifs de protection. Enfin, les salariés des abattoirs, au
sein desquels on compte un grand nombre d’immigrés, vivent souvent
dans des habitations où la proximité est la règle et où
l’observation des mesures d’hygiène peut être difficile.
D’ailleurs, parmi les recommandations formulées par les CDC
figurent la nécessité d’une transmission des messages de protection
dans toutes les langues parlées par les travailleurs. On notera que
d’une manière générale, les études ont montré un taux d’infection
plus important parmi les populations défavorisées, ce qui est
cohérent avec une sur-représentation des cas dans les
abattoirs.
Mal préparés et plutôt enclins à ne pas arrêter de
travailler
De tels phénomènes se retrouvent en Europe et en France. «
Probablement que l'organisation du travail dans ce type
d'établissement favorise la diffusion » relève ainsi le
directeur de l’Agence régionale de Santé (ARS) Centre-Val-de-Loire
qui a lancé une investigation pour déterminer notamment si
l’exiguïté de certains équipements peut être en cause. La précarité
des salariés pourrait également être un facteur d’explication.
Certains employés, alléchés par les primes promises, ont par
exemple pu craindre de donner l’alerte et préférer taire certains
symptômes. En Allemagne, une représentante du parti Vert
Anne-Monika Spallek signale de son côté qu’une partie des ouvriers
de ces abattoirs est originaire d’Europe de l’Est et vivent dans
des conditions très précaires : « Ces travailleurs viennent ici
entassés dans des bus et se partagent les mêmes chambres ».
Enfin, même si les ouvriers des abattoirs sont normalement rompus à
la prévention des risques infectieux qui sont très nombreux dans
ces établissements (le port de masques FFP2 s’impose d’ailleurs
normalement dans certains cas), n’ayant jamais vu leur activité
s’arrêter, ils ont pu manquer de préparation et de formation
vis-à-vis du nouvel agent pathogène.
Poussières et moisissures
Outre les conditions de travail et de vie de ces employés,
d’autres hypothèses sont à l’étude pour expliquer la multiplication
de ces foyers. Le rôle joué par la ventilation et les basses
températures, indispensables dans ces établissements, est ainsi
interrogé. « Les températures basses [...] augmentent la survie
du virus dans l'air. Cela augmente réellement les risques
d'infection dans ces usines » remarque Sima Asadi, une
chercheuse en ingénierie chimique à l'Université de Californie,
interrogée par le site Wired. En France, des contrôles ont été
réalisés dans les systèmes de ventilation du centre de
Saint-Brieuc, qui ont permis d’exclure une contamination par ce
biais. Autre piste : les poussières créées par l’utilisation de «
karcher et de scies » pourraient être à l’origine
d’aérosols, comme l’a noté le Dr Yvon Le Flohic, médecin
généraliste à Ploufragan près de Saint-Brieuc. On pourrait
également interroger les risques dans certains établissements liés
à l’utilisation de poudres de fleurages à base de moisissure
(par exemple pour le traitement des saucissons secs), poudres
associées à des réactions d’hypersensibilité… qui pourraient être
un terrain favorable pour une infection virale ? Alors que les
pistes sont multiples, les investigations autour de ces cas dans
les abattoirs doivent permettre de déterminer les différences entre
ces installations et les autres usines où les conditions de travail
et les conditions des employés sont proches mais pas parfaitement
semblables. Il faudrait également se pencher sur les situations des
établissements impliquant un contact avec des animaux (services
vétérinaires, animaleries…).
Peut-on encore manger de la viande ?
Ces cas dans les abattoirs, qui suscitent donc, on le voit, de
nombreuses interrogations pourraient favoriser dans l’opinion des
craintes vis-à-vis de la sécurité des produits carnés. Les experts
et les autorités sanitaires se montrent aujourd’hui formels quant à
l’absence de risque associé à la consommation de viande.
L’inquiétude des autorités concerne plus certainement aujourd’hui
la possibilité d’une diminution de la production si un trop grand
nombre d’abattoirs était touché.
Les abattoirs sont bien loin d'être les seuls lieux industriels où se retrouvent les associations "travailleurs pauvres, peu enclins à s'arrêter de travailler, promiscuité, espaces limités…". A l'évidence d'autres raisons doivent être recherchées.
Pourquoi ne pas tout simplement imaginer que les grandes quantités de tissus biologiques animaux - partout présentes - aient pu avoir été infectées à partir d'un seul cas d'opérateur humain en période d'incubation ou porteur sain ? Dès lors, le travail très mécanisé permettant justement de contaminer tour à tour les opérateurs exerçant en aval du processus !...