Allo maman bobo : attention aux mirages des fake médecines

Paris, le mercredi 7 septembre 2022 – Il est aujourd’hui de plus en plus fréquent que de jeunes parents dont l’enfant vient de naître programment un rendez-vous chez un ostéopathe, avec la même vigilance que la première consultation chez le pédiatre. Il faut dire que les familles sont parfois encouragées dans ce sens par les équipes médicales des maternités.

Cette tendance est dangereuse à plus d’un titre. D’abord à l’échelon individuel, il convient de rappeler que le décret du 25 mars 2007 relatif aux actes et aux conditions d’exercice de l’ostéopathie stipule que les ostéopathes ne peuvent réaliser des « manipulations du crane, de la face et du rachis chez le nourrisson de moins de six mois ».

Cette restriction laisse penser à l’existence d’un risque pour les plus jeunes. Plus globalement, cette adhésion à la consultation d’un ostéopathe en routine pour les nouveau-nés que l’on constate chez certains professionnels de santé entrave les messages mettant en garde sur ces pratiques alternatives, en particulier lorsqu’elles concernent les plus fragiles.

Terreau fertile


La vulnérabilité des jeunes parents et leur désir de trouver une explication globale aux pleurs de leur nourrisson conjugués au manque de temps des professionnels de santé constituent un terreau propice à l’incursion des « thérapies » alternatives.

Bien sûr, outre le fait que dans une large majorité des cas, les questionnements des parents ne sont heureusement pas liés à une pathologie (et ne nécessitent donc pas de prise en charge médicale et encore moins pseudo-médicale), le recours à des pratiques non conformes peut conduire à des retards de diagnostic, quand elles ne sont pas délétères en elles-mêmes.

Des croyances séduisantes


C’est le sens de l’alerte lancée dans le Figaro par le collectif Fake Med qui réunit des médecins et des professionnels de santé qui depuis quelques années se sont investis dans la lutte contre la désinformation dans le domaine médical.

Leur objectif est de transmettre un message pédagogique sur la différence entre la médecine basée sur les preuves et des pratiques non fondées scientifiquement. Dans ce cadre, ils ont notamment largement contribué au déremboursement de l’homéopathie.

Dans le Figaro, le collectif Fake Med s’adresse directement aux jeunes parents. « Ces soi-disant thérapeutes sans aucune formation médicale, coachs, formateurs, énergéticiens, naturopathes, doulas proposent toutes sortes de « médecines alternatives » ou « naturelles », et font fleurir un commerce, de l'assistance à la procréation à la petite enfance en passant par la grossesse et la naissance. Leurs intentions ne sont pas forcément bonnes, ni pour vous, ni pour votre bébé. Aveuglés par des croyances qu'ils veulent à tout prix vous faire partager, ils jouent sur vos peurs, vos culpabilités, à coups d'arguments d'autorité, de jargon pseudo-scientifique, d'études fallacieuses, et vous proposent une solution miracle pour tout ce qui arrive à votre enfant, ses pleurs, ses douleurs de ventre, de dents, ses difficultés à téter ou à dormir » écrivent-ils faisant notamment référence à la dimension holistique des thérapies alternatives, qui constitue l’un de ses pouvoirs de séduction.

Des interventions même invasives de plus en plus plébiscitées


Les auteurs de la tribune attirent notamment l’attention des familles sur quatre pratiques : l’ostéopathie du nourrisson censée prendre en charge un « syndrome de Kiss » qui « ne repose sur aucune base diagnostique ni scientifique », les colliers d’ambre destinés à apaiser les douleurs dentaires mais qui en réalité représentent un risque d’étranglement, l’aromathérapie ou encore la section du frein de la langue dont la fréquence a considérablement augmenté alors que ses indications réelles restent très rares.

Combat non gagné d’avance ?


Bien sûr, la publication de cet article a soulevé comme souvent ce type d’intervention une levée de boucliers, émanant notamment de praticiens qui se sont irrités de voir l’ostéopathie assimilée à d’autres pratiques, considérées comme plus ésotériques. Le collectif Fake Med s’est défendu en présentant comme toujours les fondements scientifiques de sa position.

Mais cette nouvelle tempête qu’il essuie ne peut que le conforter dans son désir de faire de la formation à l’esprit critique et scientifique une cause nationale, un enjeu politique.

Cependant, si les dérives très médiatisées autour des vaccins contre la Covid n’ont pas nourri chez les responsables politiques la volonté de s’emparer de façon concrète de ce problème (au-delà des déclarations d’intention) quel autre phénomène le pourra ?

Aurélie Haroche

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Vos réactions (12)

  • Des granules de sucre à cent-trente millions d’euros par an

    Le 12 septembre 2022

    Même si les données scientifiques indiquent, hors de tout doute raisonnable, que l’efficacité des produits homéopathiques n’est pas différente de celle d’un placebo, ils continuent de gagner des adeptes. Les trois quarts des Français interrogés par Ipsos jugent l’homéopathie efficace et 77 % y ont déjà eu recours (seulement 28 % des Belges l’auraient déjà utilisée (selon une étude de 2013), et 30 % des Espagnols (2014).)
    Le Conseil scientifique des académies des sciences européennes déposait en 2017 un rapport déclarant « qu’il n’existe, pour aucune maladie, aucune preuve, scientifiquement établie et reproductible, de l’efficacité des produits homéopathiques… même s’il y a parfois un effet placebo ».
    Une conclusion qui rejoint celle publiée deux ans plus tôt par le National Health and Medical Research Council, en Australie, après relecture de 57 méta-analyses publiées entre 1997 et 2013 et recouvrant 176 études scientifiques, sur 61 maladies ou problèmes de santé.
    Le verdict est implacable : il n’existe aucune preuve de l’efficacité thérapeutique des produits homéopathiques.

    Dr A. Krivitzky

  • Fakes médecines ou fakes médecins ?

    Le 12 septembre 2022

    Ayant eu le probable mauvais goût de vouloir me former en shiatsu, j'ai eu une bonne remise à niveau en anatomie.
    Et je constate, autour de moi, que les ostéopathes, qui semblent apparemment inaptes professionnellement, sont absolument calés en anatomie, ils ont une précision dans leur connaissance indubitable pour tous ceux avec qui j'ai échangé. Car ils actualisent en permanence leurs connaissances théoriques par la pratique sous la main, l'un et l'autre se renforçant mutuellement.
    Par contre, quand j'ai parlé avec le kiné sur mon dernier poste, pourtant pas un vieux diplômé, ses connaissances commençaient à s'estomper. Mais comme il m'a répondu "pour ce que je fais, c'est pas nécessaire de se rappeler de tous les muscles". Soit.
    Après c'est super de donner de son temps dans des entreprises aussi vertueuses pour éviter les abus, comme Fakemed. Par contre dans mon exercice paramédical comme dans ma vie privée et aussi les témoignages d'amis, il semble que simplement trouver un médecin qui soit investi dans la présence auprès du patient soit chose plus ardue.
    Après on s'étonnera que certains aillent s'adresser auprès de personnes qui sont présentes pour elles, même si pas sorties de l'université de médecine.

    L. Saint-Martin, IDE

  • Deux mondes différents

    Le 12 septembre 2022

    Le collectif Fake Med pourra faire toutes les déclarations qu'il veut, les personnes qui utilisent les médecines / soins "doux/complémentaires/alternatifs/..." ne les liront pas. Il s'agit de deux mondes différents avec les croyants et les non croyants. Et je mets dans cette "foi" aussi bien les pratiques alternatives que scientifiques. Rarement, on a des croyants dans les deux.
    Je regrette seulement qu'il n'y ait pas de démarche scientifique quant à l'utilisation du placebo. On se prive tout de même de "traitements" parfois bien utiles quand on n'a rien d'autre. Jusqu'à 50 % d'efficacité du placebo, ce n'est pas rien. La démarche scientifique permettrait de les utiliser sans sombrer dans le charlatanisme.

    Dr Marie-Ange Grondin

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