
Paris, le vendredi 23 mai 2014 – Si des polémiques autour de la dangerosité des vaccins se développent partout à travers le monde, certaines controverses sont particulières à la France. Il en fut notamment ainsi des débats infondés autour du vaccin contre l’hépatite B (qui font que notre pays connaît l’un des plus faibles taux de protection contre cette maladie par rapport aux autres pays riches) mais aussi aujourd’hui du lien prétendu entre l’aluminium contenu dans les vaccins et le développement d’une pathologie appelée myofasciite à macrophage (MFM).
1 000 cas en France, presque rien dans le reste du monde
Dans un rapport publié en juillet 2013, le Haut conseil de la santé publique (HCSP) remarquait que la MFM semblait une « affection essentiellement française ». En France, en effet, la revue la plus récente disponible sur le sujet publiée par l’équipe du professeur Romain Gherardi (qui a cumulé le plus grand nombre d’études sur ce thème dans le monde et de très loin) fait état de 1 000 cas. « En contraste » et comme le reconnait lui-même Romain Gherardi dans ses publications « les autres pays (Etats-Unis, Allemagne, Portugal, Espagne, Royaume-Uni, Irlande, Corée, Australie) n’ont rapporté que des cas occasionnels ». Cette spécificité française est expliquée par l’équipe de Romain Gherardi par trois raisons énumérées par le HSCP : « le passage dans les années 90 de la voie sous-cutanée (SC) à la voie intramusculaire (IM) pour l’administration des vaccins (…) l’ampleur de la campagne de vaccination contre l’hépatite B (…), le choix par leur équipe de réaliser les biopsies musculaires au niveau du deltoïde (alors que la plupart des autres pays recommandent d’éviter de biopsier les muscles dans lesquels sont injectés les vaccins…) ».
Si les études françaises étaient si évocatrices, les étrangers s’y seraient penchés
Pour le HSCP et la très grande majorité des spécialistes de la
vaccination, ces arguments sont insuffisants pour écarter le
caractère franco-français de la polémique et de ce fait sa
faiblesse démonstrative.
D’abord, parce que les pratiques des autres pays concernant
l’utilisation de la voie intramusculaire ne sont pas
différentes.
Ensuite, concernant la méthode de biopsie, le HSCP objectait : «
Il est exact que dans les autres pays, on évite de biopsier le
deltoïde pour les raisons invoquées plus haut. Les publications de
l’équipe de Créteil ont été largement diffusées et on peut supposer
que des biopsies du deltoïde seraient pratiquées dans les
autres pays si la MFM était considérée comme une entité
reconnue ». Enfin, à propos de l’ampleur réelle de la
vaccination contre l’hépatite B en France, le HSCP remarquait : «
admettre ce fait comme explication suppose qu’il y ait une
explication à l’atteinte exclusive de l’adulte. D’autre part,
d’autres vaccins contenant des adjuvants aluminiques (tétanos par
exemple) sont largement utilisés dans les pays étrangers, certains
beaucoup plus qu’en France et depuis plus longtemps (vaccin contre
le méningocoque C) ». Forts de ces arguments et d’autres
éléments scientifiques, le HSCP excluait le lien entre la MFM et la
présence d’adjuvants aluminiques dans les vaccins.
Un soutien contestable
Cependant, le HSCP constatait qu’en dehors de la France « seule l’équipe israélienne de Shoenfeld (…) essaie d’en élargir le cadre ».
Aussi ne s’étonnera-t-on pas de savoir que le professeur Yehuda Shoenfeld était hier l’invité d’honneur de l’association E3M qui réunit des patients s’affirmant victimes de la présence d’aluminium dans les vaccins et qui militent pour la réintroduction d’un vaccin DTP sans sels d’aluminium. Cette organisation s’était vue ouvrir les portes d’un local de l’Assemblée nationale pour mener avec le soutien du Conseil régional d’Ile de France une conférence intitulée « Aluminium et vaccins : l’expertise internationale nous impose d’agir » ! Clairement, l’organisation souhaitait apporter une fin de non recevoir à la critique formulée par tous concernant le caractère franco-français de cette controverse. Cependant, en ne pouvant s’appuyer que sur les professeur Gherardi et Shoenfeld et en dépit du partenariat un brin contestable de la région Ile de France, l’association E3M a peiné à convaincre. En effet, l’après-midi, à l’occasion d’une audition de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) les argumentations ont été plus difficiles à soutenir face à des contradicteurs tel que le professeur Daniel Floret spécialiste des vaccinations à la HAS qui a martelé : « Aucun pays au monde ne remet en cause la sécurité des vaccins contenant de l’aluminium ». De son côté, également présente, le ministre de la Santé, Marisol Touraine a mis en garde contre des « raisonnements non scientifiques qui contribuent à des inquiétudes qui n'ont pas lieu d'être ».
Aurélie Haroche