Aluminium et liberté au menu de la plateforme dédiée à la vaccination

Paris, le mardi 20 septembre 2016 – Etape attendue mais délicate de la concertation sur la vaccination lancée en janvier dernier par le ministre de la Santé, l’ouverture d’une plateforme internet où chacun peut s’exprimer librement a été officialisée la semaine dernière (http://contrib.concertation-vaccination.fr/). Depuis six jours et pendant encore vingt-quatre jours, les Français peuvent donc faire part de leurs observations, soit en livrant leur « ressenti » au sens large, soit en proposant des pistes pour renforcer la confiance dans la vaccination ou pour améliorer la couverture vaccinale.

Pas de complot, mais un "lobby" décrié

En moins d’une semaine, les contributions ont été nombreuses : plus de 2 800 à l’heure où nous écrivons ces lignes (la consultation citoyenne concernant le dépistage du cancer du sein l’année dernière n’avait recueilli qu’un peu moins de 600 participations, sur un sujet concernant, il est vrai, une population moins large). Les premières tendances confirment les craintes exprimées par certains : le site est d’abord un exutoire pour ceux qui doutent, voire ceux qui rejettent la vaccination. Cependant, les évocations les plus fantaisistes s'appuyant sur des théories complotistes sont limitées. Et l’industrie pharmaceutique n’y est pas en odeur de sainteté et le poids d’un « lobby » est clairement mis en cause.

Libérer les bébés (et surtout de l’aluminium) !

Les contributions libres sont les plus nombreuses en raison de la position première de l’espace qui leur est dédié sur le site et de la possibilité de s’exprimer plus largement, quand les deux autres thèmes pourraient être considérées comme trop "favorables" au vaccin. Les préoccupations exprimées sont diverses, mais plusieurs points se démarquent. Les craintes suscitées par l’aluminium sont ainsi nombreuses : même dans les messages dont la tonalité est plutôt positive vis-à-vis de la vaccination, il est souvent convoqué. « Je pense que la vaccination est importante pour certaines maladies qu’il faut éradiquer, mais certains vaccins (avec leurs adjuvants) rendent plus malade que la maladie elle-même » écrit par exemple un internaute. Autre sujet fréquemment soulevé : l’inquiétude suscitée par la vaccination précoce des jeunes enfants. Les injections sont jugées trop nombreuses et rapprochées par plusieurs contributeurs, une crainte qui ne surprendra pas quand on se souvient qu’interrogés par une équipe de l’INSERM sur la vaccination en 2014, une majorité de médecins généralistes s’étaient déclarés en accord avec l’idée selon laquelle les nourrissons seraient protégés contre un nombre trop important de maladies.

La vaccination obligatoire pas totalement rejetée

Face à ce climat de suspicion, qui emporte même ceux qui se déclaraient sereins (« Je perçois la vaccination comme quelque chose de bien évidemment positif, cependant les uns la décriant pendant que les autres la recommandent, il est impossible de ne pas douter », remarque un internaute), les participants ont des idées assez arrêtées sur les méthodes devant être utilisées pour restaurer la confiance. Offrir à chacun la liberté de décider pour soi même et ses enfants est ainsi régulièrement mis en avant. « Stop aux vaccins obligatoires ! Un minium de liberté serait la bienvenue ! » écrit de manière franche un internaute. Tout en étant nombreux à partager cette exhortation vers plus de liberté, les contributeurs ne sont pas unanimes quant à la disparition des vaccinations obligatoires. Plusieurs défendent la possibilité de conserver ce régime pour la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite, à condition que puisse être remis à disposition un vaccin trivalent (et si possible sans aluminium, bien sûr !). D’une manière générale, la composition des vaccins est régulièrement critiquée et un appel au retour de vaccins monovalents fréquemment relayé.

Pas de vaccins, pas de soins (remboursés)

Les plus sceptiques ne sont cependant pas les seuls à s’exprimer. Ceux qui manifestent moins de réserve vis-à-vis des adjuvants et autres dangers prétendument associés aux vaccins livrent d’autres pistes pour améliorer la confiance dans la vaccination. Un désir d’évolution de la communication autour des vaccins apparaît ainsi : confier le discours sur ces produits à des scientifiques experts, accroître la transparence, mais aussi rappeler les bénéfices de la vaccination en évoquant ses avantages collectifs et l’éradication définitive de plusieurs maladies graves sont quelques conseils distillés par les internautes. « La vaccination sauve beaucoup de vies. Elle empêche les maladies des enfants et des adultes. Il faut faire une histoire des maladies éradiquées ou amenuisées par la vaccination. Faire un état des morts dans les pays sans couverture vaccinale » énumère par exemple un internaute. L’idée de permettre aux pharmaciens de procéder à certaines vaccinations fleurit également.

Plus extrêmes (il en existe dans tous les camps), certains suggèrent que les personnes qui choisissent de ne pas se faire vacciner assument l’ensemble des frais médicaux s’ils sont touchés par une maladie pouvant être évitée par la vaccination. Si cette idée est évoquée régulièrement, plus rares sont ceux qui suggèrent même de sanctionner les non vaccinés qui seraient à l’origine de la contamination de personnes non "répondeuses" ou ne pouvant être vaccinées. « Toutes ces contributions citoyennes seront lues, analysées et prises en compte par le comité d’orientation » promet l’espace participatif.

Une synthèse rationnelle et utile de ces différentes contributions promet cependant d’être bien délicate tant il est vrai que la vérité scientifique, qui devrait être ici le seul juge de paix, s'accorde mal avec ce type de procédure participative...

Malgré les bonnes intentions affichées par le ministère, la pertinence de cette initiative pose question. 

Lien vers le site concertation vaccination : http://contrib.concertation-vaccination.fr/

Aurélie Haroche

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Vos réactions (4)

  • Plus d'un milliard d'enfants

    Le 21 septembre 2016

    Depuis 1980 des millions d'enfants (plus de un milliard) ont été vaccinés avec des vaccins contenant de l'alumine si cela était dangereux les effets en seraient dramatiques.
    Par contre des millions d'enfants n'ont pas encore accès à ces vaccins et risquent de mourir de rougeole ou de polio.

    Je travaille depuis 40 ans en Afrique et soyez en sûrs les vaccins sont une des premières actions (sinon la première) qui a fait diminuer la mortalité infantile dans le monde.

    Dr Jean-Loup Rey

  • A propos de l'Afrique

    Le 21 septembre 2016

    Je sillonne l'Afrique aussi depuis 40 ans et je ne partage pas la même vision idyllique à propos des vaccins. La situation sanitaire en Afrique est catastrophique et n'est pas en voie de s'améliorer rapidement. Je pourrai parler des jours entiers de la situation sanitaire du continent. Corriger les idées fausses colportées sur chacun des 54 pays africains, témoigner de la souffrance réelle des populations, de l’exode rural chaotique vers les mégalopoles surpeuplées et insalubres alimentant une situation sanitaire déjà alarmante. De l’explosion des nouvelles pathologies non conventionnelles : obésité, diabètes et maladies cardio-vasculaires engendrées par un changement radical des modes de vie et d’alimentation.

    En dehors des grandes villes et des capitales, Il existe très peu de centre de soins dignes de ce nom. Les maladies parasitaires foisonnent. Je ne crois pas en la magie des vaccins. L'hygiène, l'accès à l'eau potable et une bonne alimentation, variée et non carencée, demeurent les meilleures armes contre les épidémies.

    Jean-Pierre Eudier

  • Corrélation n'est pas causalité

    Le 25 septembre 2016

    Certains internautes parlent de regarder les courbes historiques de mortalité pour déterminer l'effet de la vaccination. Mais pays par pays cela n'a pas de sens, dans la mesure où il y a au moins un gros biais de confusion soulevé par M. Eudier, l'état sanitaire du pays. En revanche comparer des pays à l'état et l'évolution similaire sanitaire dont l'un seul introduirait une vaccination permettrait d'approcher d'avantage la causalité (à défaut d'étude randomisée).

    Si quelqu'un peut nous proposer une telle comparaison je suis preneur pour définir l'efficacité réelle d'une vaccination.
    Restera à définir la tolérance sur les points soulevées par les internautes.

    "Une synthèse rationnelle et utile de ces différentes contributions promet cependant d’être bien délicate tant il est vrai que la vérité scientifique, qui devrait être ici le seul juge de paix, s'accorde mal avec ce type de procédure participative..."

    Pas si sûr, les internautes peuvent soulever des idées voir apporter des études dans leur argumentaire et à ce moment, à la vérité scientifique de trancher ou de faire procéder à des recherches préliminaires.

    Dr PS

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