Amélioration clinique après chirurgie bariatrique, ça fait long feu ?
L’obésité morbide est associée à des douleurs articulaires et
à une dégradation de la fonction physique qui contribuent à
l’altération de la qualité de vie liée à la santé (HRQoL). Les
techniques modernes de chirurgie bariatrique permettent une perte
pondérale notable, une amélioration des comorbidités et de l’HRQoL.
Cette embellie est surtout remarquable dans les deux premières
années suivant la chirurgie, puis elle tend à s’atténuer.
Une étude a été menée afin de préciser la durabilité de cette
amélioration clinique entre les 3e et 7e années après bypass
gastrique Roux-en-Y (RYGB) ou sleeve gastrectomie (SG), les 2
procédés bariatriques les plus employés. Ce travail s’est appuyé
sur la cohorte multicentrique LABS-2 (Longitudinal Assessment of
Bariatric Surgery-2) ayant inclus 2 458 participants opérés
entre 2006 et 2009.
Une étude de cohorte avec suivi postopératoire de 7 ans
Le critère d’évaluation principal était l’amélioration
clinique notable portant sur la douleur et la fonction physique,
évaluée par le score SF-36 (36-Item Short Form Health Survey),
l’index Western Ontario Mc Master Osteoarthritis et le temps de
marche sur 400 mètres. Les critères secondaires étaient
l’amélioration de la douleur et de la fonction articulaire des
genoux et des hanches, le gain fonctionnel et la productivité au
travail.
Parmi les 1 829 patients ayant bénéficié d’une des deux
chirurgies prédéfinies, ont été inclus les 1 491 (82 %) sujets
suivis plus de 5 années (1194 femmes (80 %), âge médian [IQR]
préopératoire = 47 [38-55] ans), dont 1 440 avaient bénéficié d’un
RYGB. L’indice de masse corporelle (IMC) avant intervention était
de 47 [42-52] kg/m².
Les comorbidités les plus fréquentes étaient les apnées du
sommeil (51 % des participants), le diabète (36 %) et l’asthme (27
%). Environ 30 % d’entre eux avaient des antécédents de chirurgie
rachidienne, de la hanche ou du genou, 43 % (557/1 310) avaient une
mobilité réduite et 30 à 40 % présentaient des symptômes d’arthrose
du genou ou de la hanche.
Une amélioration persistante mais qui s’estompe
Après 7 ans de suivi, à un âge médian de 52 [45-62] ans, la
perte de poids médiane était de 28 (20- 36) % du poids
préopératoire et l’IMC médian avait chuté à 34 [29-39] kg/m2.
Durant cette période, 23 % des participants avaient bénéficié d’une
chirurgie du dos, de la hanche ou du genou. A cette date, 61 %
avaient une activité professionnelle (69 % initialement).
Globalement, l’amélioration de la douleur et de l’activité
physique a persisté entre les 3ème et 7ème années post-opératoires.
En effet, même si la plupart des indices se sont aggravés dans cet
intervalle, ils restent meilleurs à 7 ans qu'en préopératoire.
Ainsi une amélioration notable des douleurs persiste, même si le
pourcentage de patients nettement soulagés passe de 50 [48-53] % à
3 ans à 43 [40-46] % à 7 ans.
Simultanément, une amélioration de la fonction physique est
observée chez 75 [73-77] % des sujets puis 64 (CI : 61- 68) %, et
l’amélioration de la marche sur 400 mètres passe de 61 [56-65] % à
50 [45-55] %. Parmi les participants souffrant avant la chirurgie
d’un déficit de la mobilité, la rémission passe de 50 [42-57] %
à 41 [32- 49] %.
L’amélioration des symptômes au niveau de la hanche et/ou du
genou a suivi la même tendance. Sur le plan professionnel,
l’absentéisme pour raisons de santé a diminué initialement pour
remonter à partir de la 3ème année et se stabiliser pour être à 7
ans identique à celui préopératoire.
Ainsi, cette vaste étude de cohorte d’adultes américains
opérés pour obésité morbide révèle une amélioration postopératoire
persistante mais qui s’atténue après les 2 premières années. Le
bénéfice clinique sur les douleurs et la fonction physique reste
notable entre la 3ème et 7ème année suivant l’intervention. En
revanche, la consommation de médicaments antalgiques est restée
inchangée, tout comme la capacité à reprendre une activité
professionnelle soutenue.
Ce travail s’accompagne de quelques réserves. On peut
regretter l’absence de groupe contrôle non chirurgical, la
quantification de la douleur a pu être imprécise et celle de la
productivité limitée. Malgré tout, la chirurgie bariatrique reste
associée à une amélioration à long terme des paramètres
étudiés.
Comme le fait remarquer l’auteur, l’étude malgré ses défauts reste intéressante. Il faut quand même se rappeler que ces obèses morbides passent à une obésité cliniquement moins grave mais encore non négligeable (IMC = 34). A noter aussi que la perte de poids est spectaculaire au départ, mais qu’il s’en suit une reprise : le % perdu s’il est ≥ 20 % une fois le poids stabilisé est à considérer comme une réussite ; enfin l’âge moyen est autour de 50 ans, celui où l’obésité provoque des problèmes articulaires fréquemment. La chirurgie bariatrique n’est pas la panacée mais la réponse à une morbidité incontrôlable... d’autres études à long terme seront certainement intéressantes.
Dr A Wilk
chirurgie bariatrique
Le 04 octobre 2022
L'étude semble oublier le rôle de l'accompagnement psychiatrique...
Dr X Bareau
Une amputation définitive
Le 10 octobre 2022
La chirurgie est l'ultime manœuvre pour tenter de combattre un état qui n'aurait jamais dû atteindre le stade de l obésité, de l'obésité morbide. Mais c'est un acte invalidant, définitif, marquant notre responsabilité individuelle, collective, sociétale. L'avantage d'être vieux est de savoir que cet état est dû à notre responsabilité car le souvenir de notre jeunesse nous permet de dire que l'état d'obésité était rare, très rare, et le niveau de vie de la population, nettement inférieur. Le défaut de la chirurgie bariatrique est le mirage, l'espérance qui l'accompagne, qu'il est plus rentable de traiter chirurgicalement une obésité que médicalement pour un établissement. Cela reste une amputation d'un organe vital pour une vie normale ; et même chez les personnes chez qui cela s'est passé correctement, avec un bon résultat fonctionnel, aucun patient ne minimise à posteriori cet acte. Un acte un peu trop banalisé dans l esprit des patients, en espérance.