
La mobilisation a porté ses fruits. Ce lundi, la Fédération
des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et l’Union des
syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), les deux principales
organisations représentatives des officinaux, ont été informées par
le ministère de la Santé qu’un amendement allait être déposé cette
semaine pour supprimer l’article 30 du projet de loi de financement
de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2023.
Cet article prévoyait de mettre en place un dispositif d’appel
d’offres selon lequel, parmi plusieurs médicaments ayant la même
cible thérapeutique, seul serait pris en charge par l’Assurance
maladie celui répondant le mieux à des critères de prix et de
sécurité d’approvisionnement. Une disposition qui, dès qu’elle
avait été rendue publique, avait suscité la colère et l’inquiétude
tout à la fois des industriels des médicaments et des pharmaciens
d’officine.
Une menace pour l’indépendance sanitaire de la France
Pour les industriels du médicament, ce système d’appel
d’offres risquait d’inciter les laboratoires à délocaliser la
production de médicaments génériques en Asie, alors même que
l’exécutif a fait du renforcement de l’indépendance sanitaire de la
France l’une de ses priorités après le confinement mondial de 2020.
Le lobby pharmaceutique s’appuyait notamment sur un rapport de
l’Inspection Générale des affaires sociales (IGAS) de 2012 qui
pointait du doigt les effets pervers qu’avait pu avoir une telle
réglementation dans d’autres pays européens.
Pour les syndicats de pharmaciens d’officine, cet article
constituait un danger majeur tout à la fois pour les patients et
les professionnels. Pour les patients, il augmentait le risque de
pénuries de médicaments en limitant les sources
d’approvisionnement. L’USPO pointait également du doigt la
possibilité d’un « changement régulier des boites dispensées au
gré des appel d’offres » qui « présente un risque de confusion et
d’inobservance en particulier pour les personnes âgées ».
Pour les officines elles-mêmes, le dispositif d’appel d’offres
aurait entrainé, selon les syndicats, la disparition des remises
génériques qui constituent une part importante du chiffre
d’affaires des pharmacies. Selon Philippe Besset, président de la
FSPF, cela aurait « représenté à terme une perte de 30 à 50 % du
résultat des pharmaciens d’officine ». Certaines petites
pharmacies de proximité auraient alors dû mettre la clé sous la
porte, accentuant encore un peu plus la désertification
médicale.
La menace de grève a porté ses fruits
Ces derniers jours, les pharmaciens d’officine s’étaient
fortement mobilisés contre l’article 30 du PLFSS, notamment en
faisant signer par leurs patients une pétition à l’intention du
gouvernement, qui aurait été signée par 15 000 personnes selon
Philippe Besset. « Les pharmaciens ont contacté leurs élus
locaux, il y eu une vraie mobilisation de leur part » souligne
le pharmacien. La FSPF avait même menacé de lancer une grève «
devant l’ampleur des conséquences potentielles de cette mesure
».
Pour apaiser la colère des pharmaciens, le gouvernement avait
d’abord envisagé de débuter par une simple expérimentation du
dispositif d’appel d’offres, portant sur certains médicaments
seulement. Mais la FSPF avait alors parlé d’une « demi-mesure
annoncée dans la précipitation » et n’avait pas retiré sa
menace de grève.
C’est donc désormais vers un abandon total du projet que l’on
s’oriente. « Il n’y aura pas d’expérimentation, le texte est
retiré » se félicite Pierre-Olivier Variot, président de
l’USPO.
Le ministère de la Santé annonce désormais qu’il va organiser
une concertation avec les acteurs du secteur pharmaceutique pour
trouver des sources d’économies et des solutions pour relocaliser
la production de médicaments en France. « Nous allons devoir
être source de propositions » souligne Philippe Besset.
Nicolas Barbet