
Afin de combler ce vide, des auteurs danois ont ressuscité les données d’une banque nationale de données du Danemark (Danish Cardiac Arrest Registry), pays de 5,7 millions d’âmes dans lequel les formations aux premiers secours sont obligatoires dès l’école primaire et lors du permis de conduire et où fleurissent partout – même en hiver - des défibrillateurs automatiques facilement localisables par une application sur les téléphones intelligents.
L’étude a recherché rétrospectivement l’association entre les divers types d’intervention des témoins d’un ACEH et les durées d’hospitalisation en réanimation et à l’hôpital chez les patients qui avaient survécu pendant au moins une journée calendaire. Les interventions des témoins ont été classées en 3 types : absence d’intervention ; manœuvres de RCP ; défibrillation avec ou sans RCP.
Entre 2001 et 2014, 45 238 personnes ont été victimes d’un ACEH parmi lesquelles 6 519 avaient les critères d’inclusion (âge ≥ 18 ans, exclusion des ACEH survenus en présence du SAMU local et ACEH de cause non cardiaque ou non précisée). Parmi ces derniers, 4 641 (71, 2 %) ont survécu pendant au moins un jour et 2 545 (39,0 %) ont pu quitter l’hôpital. Pour des raisons d’absence de critères nationaux d’admission en réanimation avant 2005, 658 patients ont été exclus, laissant donc l’analyse porter sur 3 983 patients
Victimes massées et choquées = durées de séjours écourtées
Parmi les 2 545 survivants ayant pu quitter l’hôpital, la durée moyenne d’hospitalisation a été de 16 jours [Q1-Q3 : 10–29] avec une diminution dans le temps de 17 jours [Q1-Q3 : 11–32] en 2001 à 14 jours [Q1-Q3 : 9–22] en 2014 (P < 0,0001). Elle a été dé 20 jours [Q1-Q3 : 13–37] chez les survivants (1 403) qui n’avaient eu aucune intervention ; de 16 jours [Q1-Q3 : 10–28] chez les 2 386 survivants ayant eu une RCP et de 13 jours [Q1-Q3 : 8–20] chez les 327 survivants ayant bénéficié d’une défibrillation. Quatre-vingt-deux pour cent des patients n’ayant bénéficié d’aucune intervention ont été admis en réanimation, versus 77,2 % avec RCP et 61,2 % avec défibrillation. Les taux de mortalité intra-hospitalière ont été respectivement de 60 % (sans intervention), de 40,5 % (RCP) et de 21,7 % avec défibrillation.Avec les modèles de régression linéaire, RCP et défibrillation ont été associées à une réduction de la durée d’hospitalisation de 21 % (Estimation : 0,79 [intervalle de confiance à 95 % IC 95 % : 0,72–0,86]) et 32 % (Estimation : 0,68 [IC 95 % 0,59–0,78]), respectivement. Les deux types d’intervention de témoins avec RCP (Odds ratio OR : 0,94 [IC 95 % : 0,91–0,97]) et avec défibrillation (OR : 0,81 [IC 95 % : 0,76–0,85]), ont été associés à un moindre taux d’hospitalisation en réanimation. Les antécédents de BPCO ont été associés avec un taux plus élevé d’admission en réanimation.
Un investissement national payant
En dépit de ses fortes limitations (caractère rétrospectif, survie des premières 24 heures, manque de donnée sur l’hypothermie thérapeutique), cette étude nationale portant sur un très grand nombre de patients montre que l’intervention des témoins d’un arrêt cardiaque est associée à une moindre durée de séjour en réanimation et à l’hôpital, vraisemblablement grâce à une moindre durée de no-flow et de low-flow et donc de dégâts cellulaires, justifiant les politiques nationales de formation massive aux premiers secours et d’investissements massifs en défibrillateurs automatiques.Dr Bernard-Alex Gaüzère