Arrêt cardiaque extra-hospitalier : investir sur la formation de Monsieur et Madame Tout-le-monde

La survie hospitalière après un arrêt cardiaque extra-hospitalier (ACEH) n’est que de 25 %, incluant les survies de faible qualité (états végétatifs…). Alors que la défibrillation précoce et les manœuvres de réanimation cardio-respiratoires (RCP) sur site sont primordiales, les effets de l’intervention des témoins d’un ACEH sur le déroulement de l’hospitalisation n’ont été que peu étudiés.

Afin de combler ce vide, des auteurs danois ont ressuscité les données d’une banque nationale de données du Danemark (Danish Cardiac Arrest Registry), pays de 5,7 millions d’âmes dans lequel les formations aux premiers secours sont obligatoires dès l’école primaire et lors du permis de conduire et où fleurissent partout – même en hiver - des défibrillateurs automatiques facilement localisables par une application sur les téléphones intelligents.

L’étude a recherché rétrospectivement l’association entre les divers types d’intervention des témoins d’un ACEH et les durées d’hospitalisation en réanimation et à l’hôpital chez les patients qui avaient survécu pendant au moins une journée calendaire. Les interventions des témoins ont été classées en 3 types : absence d’intervention ; manœuvres de RCP ; défibrillation avec ou sans RCP.

Entre 2001 et 2014, 45 238 personnes ont été victimes d’un ACEH parmi lesquelles 6 519 avaient les critères d’inclusion (âge ≥ 18 ans, exclusion des ACEH survenus en présence du SAMU local et ACEH de cause non cardiaque ou non précisée). Parmi ces derniers, 4 641 (71, 2 %) ont survécu pendant au moins un jour et 2 545 (39,0 %) ont pu quitter l’hôpital. Pour des raisons d’absence de critères nationaux d’admission en réanimation avant 2005, 658 patients ont été exclus, laissant donc l’analyse porter sur 3 983 patients

Victimes massées et choquées = durées de séjours écourtées

Parmi les 2 545 survivants ayant pu quitter l’hôpital, la durée moyenne d’hospitalisation a été de 16 jours [Q1-Q3 : 10–29] avec une diminution dans le temps de 17 jours [Q1-Q3 : 11–32] en 2001 à 14 jours [Q1-Q3 : 9–22] en 2014 (P < 0,0001). Elle a été dé 20 jours [Q1-Q3 : 13–37] chez les survivants (1 403) qui n’avaient eu aucune intervention ; de 16 jours [Q1-Q3 : 10–28] chez les 2 386 survivants ayant eu une RCP et de 13 jours [Q1-Q3 : 8–20] chez les 327 survivants ayant bénéficié d’une défibrillation. Quatre-vingt-deux pour cent des patients n’ayant bénéficié d’aucune intervention ont été admis en réanimation, versus 77,2 % avec RCP et 61,2 % avec défibrillation. Les taux de mortalité intra-hospitalière ont été respectivement de 60 % (sans intervention), de 40,5 % (RCP) et de 21,7 % avec défibrillation.

Avec les modèles de régression linéaire, RCP et défibrillation ont été associées à une réduction de la durée d’hospitalisation de 21 % (Estimation : 0,79 [intervalle de confiance à 95 % IC 95 % : 0,72–0,86]) et 32 % (Estimation : 0,68 [IC 95 % 0,59–0,78]), respectivement. Les deux types d’intervention de témoins avec RCP (Odds ratio OR : 0,94 [IC 95 % : 0,91–0,97]) et avec défibrillation (OR : 0,81 [IC 95 % : 0,76–0,85]), ont été associés à un moindre taux d’hospitalisation en réanimation. Les antécédents de BPCO ont été associés avec un taux plus élevé d’admission en réanimation.

Un investissement national payant

En dépit de ses fortes limitations (caractère rétrospectif, survie des premières 24 heures, manque de donnée sur l’hypothermie thérapeutique), cette étude nationale portant sur un très grand nombre de patients montre que l’intervention des témoins d’un arrêt cardiaque est associée à une moindre durée de séjour en réanimation et à l’hôpital, vraisemblablement grâce à une moindre durée de no-flow et de low-flow et donc de dégâts cellulaires, justifiant les politiques nationales de formation massive aux premiers secours et d’investissements massifs en défibrillateurs automatiques.

Dr Bernard-Alex Gaüzère

Référence
Riddersholm et coll. : Association of bystander interventions and hospital length of stay and admission to intensive care unit in out-of-hospital cardiac arrest survivors. Resuscitation 2017 ; 119 : 99–106

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions (3)

  • Taux de survie ?

    Le 20 novembre 2017

    Le taux de survie de 25% sort d'où, et de quelle région de quel pays?
    Dans le meilleur des cas, il est de 7% en France.
    On est loin du compte.

    Dr Dominique Alberti

  • Une précision de la rédaction

    Le 23 novembre 2017

    Dans cet article paru dans Circulation en 2016, le registre danois des arrêt cardiaques donne plus précisément un taux de survie à 30 jours de 14,5 % lorsque la RCP est entreprise par un passant dans les 5 minutes (et non de 25 % comme pourtant mentionné dans l'article), puis décroît rapidement pour tomber à 6,7 % si la RCP est entreprise dans les 10 minutes. Il faudrait donc comparer les taux globaux de survie, indépendamment des délais de mise en route de la RCP
    Merci pour votre remarque.

    Dr Bernard-Alex Gaüzère

    S. Rajan, M. Wissenberg, F. Folke, S.M. Hansen, T.A. Gerds, K. Kragholm, et al.Association of bystander cardiopulmonary resuscitation and survival according to ambulance response times after out-of-hospital cardiac arrest. Circulation, 134 (2016), pp. 2095-2104

    Abstract
    Background: Bystander-initiated cardiopulmonary resuscitation (CPR) increases patient survival after out-of-hospital cardiac arrest, but it is unknown to what degree bystander CPR remains positively associated with survival with increasing time to potential defibrillation. The main objective was to examine the association of bystander CPR with survival as time to advanced treatment increases.
    Methods: We studied 7623 out-of-hospital cardiac arrest patients between 2005 and 2011, identified through the nationwide Danish Cardiac Arrest Registry. Multiple logistic regression analysis was used to examine the association between time from 911 call to emergency medical service arrival (response time) and survival according to whether bystander CPR was provided (yes or no). Reported are 30-day survival chances with 95% bootstrap confidence intervals.
    Results: With increasing response times, adjusted 30-day survival chances decreased for both patients with bystander CPR and those without. However, the contrast between the survival chances of patients with versus without bystander CPR increased over time: within 5 minutes, 30-day survival was 14.5% (95% confidence interval [CI]: 12.8–16.4) versus 6.3% (95% CI: 5.1–7.6), corresponding to 2.3 times higher chances of survival associated with bystander CPR; within 10 minutes, 30-day survival chances were 6.7% (95% CI: 5.4–8.1) versus 2.2% (95% CI: 1.5–3.1), corresponding to 3.0 times higher chances of 30-day survival associated with bystander CPR. The contrast in 30-day survival became statistically insignificant when response time was >13 minutes (bystander CPR vs no bystander CPR: 3.7% [95% CI: 2.2–5.4] vs 1.5% [95% CI: 0.6–2.7]), but 30-day survival was still 2.5 times higher associated with bystander CPR. Based on the model and Danish out-of-hospital cardiac arrest statistics, an additional 233 patients could potentially be saved annually if response time was reduced from 10 to 5 minutes and 119 patients if response time was reduced from 7 (the median response time in this study) to 5 minutes.
    Conclusions: The absolute survival associated with bystander CPR declined rapidly with time. Yet bystander CPR while waiting for an ambulance was associated with a more than doubling of 30-day survival even in case of long ambulance response time. Decreasing ambulance response time by even a few minutes could potentially lead to many additional lives saved every year.



  • Taux de survie après ACEH

    Le 24 novembre 2017

    Cette étude danoise est en effet très étonnante par rapport aux résultats notés chez nous. Il faudra encore et encore éduquer et rééduquer nos apprentis sauveteurs pour améliorer nos résultats. Le MCE est difficile à pratiquer de façon efficace et durable jusqu'à l'arrivée des SAMU. Seul un personnel très entrainé est capable d'assurer une petite circulation et une très petite ventilation et en plus c'est épuisant s'il n'y a pas de relai compétent. Et quelle pagaïe quand on est entouré de badauds qui veulent participer ou donner leurs avis.

    Dr Daniel Henry

Réagir à cet article