
Les défibrillateurs entièrement automatiques (DEA) largement
diffusés au cours de ces dernières années dans tous les lieux
publics sont destinés aux témoins d’un arrêt cardiorespiratoire
(ACE), dès lors que ce dernier est en rapport avec un trouble du
rythme ventriculaire accessible à la cardioversion, tachycardie ou
fibrillation. Cette éventualité ne concerne qu’environ 25 % de tous
les ACR, mais passe à 60 % si l’on ne prend en compte que ceux
survenant hors du milieu hospitalier. Cette proportion justifie une
large diffusion des DEA et doit inciter à leur utilisation optimale
par les intervenants potentiels. Le recours à ces dispositifs peut
en effet, en théorie, sauver des milliers de vie chaque année, dans
un pays comme les États-Unis. Qu’en est-il en réalité ?
Une étude du Resuscitation Outcomes Consortium
C’est à cette question que répond une étude de cohorte
prospective étatsunienne, menée par le the Resuscitation
Outcomes Consortium. Entre 2011 et 2015, ont été dénombrés et
analysés 49 555 ACR survenus hors du milieu hospitalier, dont 4 115
(8,3 %) dans un lieu public où étaient présents des témoins
capables d’intervenir dans les plus brefs délais en utilisant le
DEA mis à leur disposition. L’efficacité de ce geste a été comparée
à celle de la défibrillation initiale mais plus tardive mise en
œuvre par les équipes médicales spécialisées. Le critère de
jugement primaire a été défini par la sortie de l’hôpital dans un
état fonctionnel normal ou presque, le score sur l’échelle de
Rankin modifiée étant ≤ 2. Le critère secondaire, pour sa part,
a été le taux de survie après la sortie.
Au total, sur les 4 115 ACR analysés, 2 500 (60,8 %) se sont
avérés accessibles à la cardioversion, en raison d’un trouble du
rythme ventriculaire. Un choc électrique externe a été appliqué par
un témoin de l’ACR dans 18,8 % des cas. Dans cette éventualité de
loin la plus favorable, les résultats ont été à la hauteur des
espérances : (1) taux de survie à la sortie de l’hôpital de 66,5 %
versus 43,0 % en cas de défibrillation plus tardive ; (2)
pronostic neurologique bon ou satisfaisant dans 57,1 % des cas
(vs 32,7 % dans l’autre cas de figure).
Amélioration du pronostic vital et fonctionnel
Après ajustement en fonction des variables prédictives du
pronostic, les chances de survie, quel que soit l’état neurologique
sont apparues nettement plus élevées avec l’utilisation immédiate
du DEA (versus choc électrique tardif), soit un odds ratio (OR) de
2,62 (intervalle de confiance à 95 %, IC, 2,07-3,31). Il en a été
de même pour les chances de sortir neurologiquement indemne –
ou peu s’en faut- de l’hôpital, l’OR correspondant étant de 2,73
(IC, 2,17-3,44). Le bénéfice de la stratégie reposant sur le DEA
s’est avéré d’autant plus élevé que le délai de réponse des
urgentistes tendait à augmenter.
Cette étude qui porte sur plus de 4000 ACR survenus hors du
milieu hospitalier permet de souligner l’intérêt d’une
cardioversion la plus précoce possible. Ce geste n’a été pratiqué
que moins d’une fois sur 5 par un intervenant témoin de l’ACR, les
conditions n’étant pas toujours réunies pour y parvenir, mais quand
il a été possible, le pronostic vital et fonctionnel s’est avéré
nettement plus favorable lors de la sortie de l’hôpital. Il
convient de poursuivre la politique actuelle au travers de la
sensibilisation accrue du grand public à l’usage du DEA à l’aide de
programmes et de conseils éducatifs.
Dr Catherine Watkins