
Perfuser est un acte obligatoire et indispensable en milieu de
soins intensifs et de réanimation (USI). L’insuffisance rénale
aiguë (IRA) est particulièrement fréquente en USI, avec une
prévalence d'environ 16 % à l'admission, grimpant à 57 % (IC95 % :
55,0-59,6 %) au cours de la première semaine et à 53 % (IC95 % :
49,9-56,5 %) chez les patients atteints de septicémie grave. L’IRA
est associée à une augmentation de la morbidité, et surtout de la
mortalité, avec un rapport de cotes pour les décès allant jusqu'à
7,18 (IC95 % : 5,13-10,04). Hypovolémie et septicémie sont les
étiologies les plus fréquentes de l'IRA en USI. De plus,
l'oligurie, l'un des critères de définition de l'IRA, est le
deuxième motif de la perfusion. C’est ainsi que les patients
atteints d'IRA reçoivent de grandes quantités de liquides, soit
pour une septicémie, soit en réponse à une hypovolémie et/ou une
oligurie. Mais jusqu'à 50 % des patients oliguriques en USI ne
répondent pas à la thérapie liquidienne par une augmentation accrue
de la diurèse.
Or une balance hydrique positive peut être délétère chez
l’insuffisant rénal aigu, qu’elle soit momentanée ou étalée dans le
temps. Quel lien existe-t-il entre l'équilibre hydrique quotidien,
la mortalité et la récupération rénale chez les patients admis pour
des lésions rénales aiguës ?
Une étude de cohorte rétrospective danoise, menée pendant 2
ans, a tenté de répondre à cette interrogation en étudiant 863
patients, d’âge moyen 66,2 (14,2) ans, présentant des lésions
rénales aiguës. Ont été exclus, les malades âgés de moins de 18
ans, ou en insuffisance rénale chronique ou bien admis depuis plus
de 24 heures en USI.
Ont été mesurées, les créatininémies sanguines avec des bilans
hydriques quotidiens au cours des cinq premiers jours de
l'hospitalisation en USI. Des techniques de modélisation, ajustées
en fonction de l'âge, du sexe et de la gravité de la maladie, ont
corrélé le développement de la surcharge hydrique avec la survie et
la récupération de la fonction rénale. Au cours de la période
d'observation de 5 jours, 327 patients (38 %) ont quitté la
cohorte, soit en raison d'un décès (n=72, 22 %), soit d'une sortie
de l'USI (n=255, 78 %). Ce sont donc 523 patients qui ont été
étudiés pendant 5 jours
Moindre survie et moindre récupération rénale
Parmi les 863 patients, 460 (53 %) et 254 (29 %) patients en
IRA (selon les critères KDIGO : augmentation de la créatininémie
>26,5 μmol/L en 48 heures ou de 150 % au-dessus de la
valeur initiale en 7 jours) ont présenté des surcharges hydriques
de 5 % et 10 %, respectivement, au cours des 5 premiers jours de
l’hospitalisation. Ces surcharges liquidiennes étaient corrélées à
une réduction de la survie et de la récupération de la fonction
rénale.
Dr Bernard-Alex Gaüzère