Auto-prise en charge de l’HTA : possible…et efficace !

Malgré un arsenal thérapeutique diversifié, à la fois efficace et dans l’ensemble bien toléré, l’hypertension artérielle (HTA), demeure un problème de santé publique. D’une part, parce que certains hypertendus ne sont pas dépistés ou traités et d’autre part, car seuls la moitié des patients traités parviennent aux chiffres tensionnels recommandés.

Amender ce deuxième point crucial passe plus par des améliorations de notre logistique de prise en charge que par des innovations pharmacologiques. Parmi les progrès possible dans la délivrance des soins, l’utilisation de l’autocontrôle de la pression artérielle (PA) et de la télétransmission semblent particulièrement intéressants comme le démontre de façon élégante une étude qui vient d’être conduite au Royaume-Uni.

Les patients modifient eux-mêmes leur traitement

Richard McManus et coll. ont entrepris un vaste essai randomisé en médecine générale pour tenter d’évaluer l’intérêt de ces deux techniques dans la prise en charge de l’HTA en pratique de ville.

Etaient éligibles pour cet essai (randomisé mais nécessairement ouvert) des patients de 35 à 85 ans ayant une PA supérieure à 140/90 mm Hg malgré un traitement par un ou deux antihypertenseurs. N’étaient pas retenus principalement les sujets ayant des chiffres tensionnels supérieurs à 200/100 mm Hg ou ayant plus de 20 mm Hg de diminution de la PAS en position debout.

Cinq cent vingt-sept sujets, recrutés dans la patientèle de 24 généralistes répondant à ces critères, ont été volontaires pour l’étude TASMINH2 (Telemonitoring and Self-Management of Hypertension Trial). Ils ont été randomisés entre un traitement standard par leur médecin traitant et une prise en charge expérimentale.

Celle-ci comportait :

- un auto-contrôle des chiffres tensionnels (à deux reprises tous les matins d’une semaine par mois) ;
- la possibilité pour le patient d’adapter le traitement prescrit aux résultats tensionnels si les chiffres obtenus n’étaient pas conformes aux recommandations durant deux mois consécutifs (4 résultats ou plus hors limite sur un mois),
- une télétransmission des données vers le médecin traitant.

Dans le cadre de cette étude, les objectifs retenus pour la PA en auto-contrôle étaient de 130/85 mm Hg pour les patients non diabétiques et de 130/75 mm Hg pour les diabétiques et les sujets ayant une pathologie rénale chronique (les mesures à domicile ont tendance à être plus basse que celles réalisées en consultation). En cas de PA supérieure à 200/100 ou de PAS inférieur à 100 mm Hg, les patients étaient invités à consulter leur médecin et étaient alertés par téléphone grâce à la télétransmission.

Les adaptations thérapeutiques que les patients devaient entreprendre en cas de résultats non satisfaisants comportaient des changements de molécules ou de posologie en fonction d’un algorithme préétabli sur les bases des recommandations britanniques. 

Le critère principal de jugement était la modification de la PAS moyenne entre l’entrée dans l’étude et le 6ème et le 12ème mois.

De meilleurs résultats sur la PAS

Sur ce critère cette prise en charge expérimentale s’est révélée supérieure au traitement standard avec à 6 mois une diminution de la PAS de 12,9 mm Hg contre 9,2 mm Hg et à un an une baisse de 17,6 mm Hg contre 12,2 mm Hg avec la prise en charge habituelle (p=0,013 à 6 mois et p=0,0004 à un an). Pour parvenir à ces meilleurs résultats, les patients du groupe expérimental ont plus souvent modifié leur traitement et prenaient en moyenne plus d’antihypertenseurs que dans le groupe contrôle en fin d’essai (2,1 contre 1,7 ; p<0,0001). En revanche le nombre de consultations médicales a été équivalent dans les deux groupes. Quant aux effets secondaires, seuls les œdèmes des membres inférieurs ont été plus fréquents dans le groupe expérimental (32 % contre 22 %) sans nul doute en raison de l’adjonction plus fréquente d’un anti-calcique.

Faut-il adopter cette auto-prise en charge en pratique ?

Ce travail montre en premier lieu que des hypertendus sélectionnés peuvent adapter correctement leur traitement sans intervention médicale. Il démontre de plus que ce type de prise charge, basée sur l’auto-contrôle tensionnel (et tout à fait comparable à ce que l’on applique dans le diabète, l’asthme ou le suivi des traitements par antivitamines K), est plus efficace (tout au moins sur la PAS) que le suivi classique par le médecin traitant.

Il faut cependant souligner certaines limites de cette étude.

Le fait que la PAD ne s’est pas améliorée significativement par rapport au groupe contrôle doit être pris en compte.

De plus avant d’envisager une application de ce protocole en pratique clinique, il conviendrait de disposer d’une étude de coût et dans un pays comme la France, de rendre remboursable par la sécurité sociale ce type d’intervention.

Enfin, il faut peut-être insister sur le fait que beaucoup de patients mal équilibrés par leur traitement anti-hypertenseur ne sont pas éligibles à un tel protocole thérapeutique, ne serait-ce qu’en notant que sur plus de 7 500 patients pressentis, près de 6 000 ont décliné l’offre d’inclusion !

Sous toutes ces réserves, il est possible que, comme l’estime l’éditorialiste du Lancet, l’étude TASMINH2 marque un réel tournant dans la prise en charge des HTA mal équilibrées.



Dr Anastasia Roublev


1) McManus R et coll. : Telemonitoring and self-management in the control of hypertension (TASMINH2) : a randomised controlled trial. Lancet 2010; 376: 163-72. 
2) Ogedegbe G.: Self-titration for treatment of uncomplicated hypertension. Lancet 2010; 376: 144-46.

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