
Paris, le mercredi 27 janvier 2016 – Le Conseil de l’Ordre des médecins n’ignore sans doute pas le sentiment de défiance nourri par un certain nombre de praticiens à son égard (sans évoquer les cas les plus marqués d’hostilité). Il est en effet souvent reproché à l’institution ordinale d’être trop éloignée des préoccupations pratiques des médecins. Si face au projet de loi de santé, l’Ordre a manifesté à de nombreuses reprises son soutien aux praticiens et fait part de ses plus grandes réserves au gouvernement, son action a parfois été jugée trop timide et certains auraient souhaité un engagement plus déterminant. Aujourd’hui, l’Ordre semble vouloir en partie répondre à cette déception et à ces critiques en présentant « un livre blanc pour l’avenir de la santé », assorti de dix propositions.
Blues malgré la blouse
Ces dernières sont directement inspirées des conclusions de la grande concertation conduite par l’Ordre des médecins auprès des praticiens, dont les résultats avaient été dévoilés le jour même de l’adoption finale du projet de loi de santé. Cette enquête menée auprès de 35 000 praticiens avait rappelé l’attachement certain des médecins à leur profession et leur satisfaction de l’exercer. Cependant, parallèlement à cette conviction de principe, les souffrances apparaissaient non négligeables : 57 % des praticiens se plaignaient de leur charge de travail et la même proportion déploraient la faiblesse de leurs rémunérations. Ils étaient surtout 97 % à considérer que « le médecin subit trop de contraintes réglementaires, économiques, administratives ». Ils jugeaient encore que leur mission de service public est trop mal reconnue (91 %).
Un bassin pour remplacer les machins ?
En réponse à ce cahier de doléances, l’Ordre insiste fortement dans ses propositions sur l’allègement des tracasseries administratives. Cela passe d’abord par une simplification de l’organisation territoriale des soins. Aujourd’hui, il existe un véritable « millefeuille administratif » dénonce l’Ordre et une diversité difficilement lisible. L’Ordre propose de se recentrer autour de Bassins de proximité de santé qui sur le principe du volontariat devront englober les structures de groupe, sans exclure les cabinets isolé et une ou deux structures hospitalières. « Ce nouvel échelon territorial aura pour objectif de faire émerger un projet global de santé au service de la population de chaque territoire » décrit l’Ordre. Dotés de différents comités de pilotage et stratégiques, le Bassin de proximité de santé proposerait également un guichet d’information unique pour tous les acteurs de santé.
La même couverture médicale pour tous ?
Qui dit simplification, dit également, diminution des tâches administratives quotidiennes. Pour ce faire, une aide administrative pourrait être déployée dans le cadre de ces Bassins de proximité de santé. Au-delà, l’Ordre des médecins énumère quelques règles apparemment de bon sens, mais qui pourraient être difficiles à appliquer : au sein des établissements, il recommande par exemple de restreindre les temps de réunion ! Toujours dans ce même souci de simplification, l’Ordre suggère une petite révolution en proposant d’instaurer une couverture sociale unique pour tous les médecins : « Tous les modes d’activités doivent se retrouver avec les mêmes modalités d’acquisition de droits en matière de couverture maladie, maternité et retraite » insiste l’instance ordinale.
Une indispensable revalorisation des rémunérations
L’Ordre s’intéresse par ailleurs aux questions économiques. Sur ce point, il juge qu’une diversification des modes de rémunération permettrait de mieux rétribuer les missions de service public et ce une nouvelle fois « indépendamment du mode d’exercice ». D’une manière générale, l’instance ordinale plaide pour une réévaluation de la rémunération des médecins et pour une meilleure reconnaissance de leur acquis de l’expérience. Sur tous ces points, l’Ordre ne donne aucun chiffre et se borne à quelques pistes comme l’idée de créer un bonus pour chaque recertification.
Une présélection avant la première année ?
Enfin, la formation initiale et continue représente une dernière priorité de l’Ordre. Pour les étudiants, il préconise tout d’abord l’élargissement de la première année commune des études de santé (PACES) à toutes les professions médicales. L’instance revient également sur l’idée d’une « présélection » ; sans se montrer directif, il estime nécessaire de réfléchir à un tel système. L’Ordre souhaite par ailleurs une régionalisation du numerus clausus qui permettrait de mieux prendre en compte les besoins territoriaux (l’augmentation différenciée du numerus clausus par faculté répond déjà en partie à cet objectif).
Créer une note éliminatoire aux ECN et revoir la formation continue
De la même manière, il suggère de remplacer les épreuves classantes nationales par des épreuves classantes interrégionales. Il juge également nécessaire d’instaurer une note éliminatoire avec possibilité de redoublement. Enfin, l’Ordre insiste dans sa dernière proposition sur l’importance de renforcer la formation continue par la recertification et remarque que le Développement professionnel continu (DPC) a « déjà fait apparaître un certain nombre de limites ».
L’ensemble de ces propositions est destiné à alimenter le débat à l’occasion de la Grande conférence santé souhaitée par le gouvernement et qui sera boudée par l’ensemble des syndicats de médecins libéraux. S’il est possible que certaines retiennent l’attention, d’autres parce qu’elles supposent un changement trop complet des systèmes existants risquent d’être laissées en jachère.
Aurélie Haroche