
Une porte ouverte par le Conseil d’Etat
L’annonce fin décembre du retour de l’obligation du port du masque à l’extérieur a suscité de nombreux commentaires. Régulièrement, l’impact réel de la mesure sur la propagation de l’épidémie est mis en cause par de nombreux épidémiologistes mais aussi par des citadins lassés de ce dispositif après deux ans de crise sanitaire. C’est sans doute cette lassitude qui a incité un citoyen à saisir le Conseil d’Etat pour enjoindre le gouvernement de circonscrire cette obligation « en fonction des lieux extérieurs où il est difficile de garder une distance physique » en tenant compte « de la densité de population de chaque commune ou quartier de ville ». Le Conseil d’Etat, dans une ordonnance rendue le 11 janvier, avait estimé que si les préfets disposaient de la possibilité d’imposer le port du masque à l’extérieur, cette obligation impliquait certaines conditions. « Ainsi, le port du masque doit être limité aux lieux et aux heures de forte circulation de population quand la distanciation physique n’est pas possible, et uniquement si la situation épidémiologique locale le justifie. Mais dans le même temps, il sera permis au préfet de délimiter des zones suffisamment larges pour que la règle soit compréhensible et son application cohérente ».Perche saisie par les juridictions administratives
Il n’en fallait pas plus pour certaines juridictions administratives pour se saisir de la question. Saisi en référé, le Tribunal administratif de Versailles a sonné la révolte en suspendant le 12 janvier l’obligation générale et absolue du port du masque qui avait été décidée sur l’ensemble du département. Le Tribunal avait notamment souligné les particularités du département des Yvelines « très étendu et comprenant un certain nombre de communes rurales » alors même « qu’un centre-ville peut être aisément identifié ». Mais c’est sans doute l’ordonnance rendue le 13 janvier par le Tribunal Administratif de Paris qui apporte l’éclairage le plus intéressant sur cette question juridico-sanitaire. Tout en indiquant que l’obligation du port du masque n’était pas inscrite dans une logique de proportionnalité, la juridiction a souligné également le fait que la mesure impliquait « des contraintes physiques et respiratoires » et constituait « une entrave en matière de communication et de vie sociale ». On se souvient qu’en juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg avait retoqué un arrêté portant obligation de port du masque estimant que le masque portait une atteinte à la liberté vestimentaire ! La juridiction avait estimé que « les choix faits quant à l’apparence que l’on souhaite avoir dans l’espace public comme en privé relèvent de l’expression de la personnalité de chacun et donc de la vie privée ». L’obligation de port du masque porterait donc une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée au sens de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme !La fin du port du masque ?
Désormais, l’obligation du port du masque dans les lieux publics à Paris et dans les Yvelines est donc suspendue. Mais les citadins pourraient bien se voir imposer dans les prochaines heures une nouvelle obligation, sans doute d’avantage circonstanciée. La capitale pourrait retrouver ainsi une situation similaire à celle vécue quelques jours durant à l’été 2020, lorsque la préfecture n’avait rendu le port du masque obligatoire que dans certaines rues (ce qui à l’époque avait été jugé source de tensions et d’incohérences).Charles Haroche