
A la date du mois de Janvier 2022, plus de 5,4 millions d’individus à travers le monde étaient morts de la Covid-19, le plus souvent par syndrome de détresse respiratoire aigu. Les facteurs de risque les plus importants sont un âge avancé, une obésité ou une insuffisance rénale chronique. Depuis le début de la pandémie, le gène de la protéine Spike du SARS-CoV-2 a muté à de nombreuses reprises, entraînant l’émergence de nouveaux variants tels que le B.1 617-2 (Delta) ou encore B.1.529 (Omicron) dont la transmissibilité est accrue. Aux USA, il est recommandé, chez les malades à haut risque de progression, atteints de formes légères à modérées de Covid, de mettre en route un traitement par anticorps monoclonaux. Parmi eux, le sotrovimab est un anticorps monoclonal Fc humanisé et modifié, afin d’augmenter sa demi-vie et sa délivrance au niveau de la muqueuse respiratoire. Par opposition à d’autres molécules de même type, le sotrovimab cible la protéine spike du SARS-CoV-2 dans une région non complétement associée à l’enzyme de conversion de l’angiotensine. Il a, de plus, des fonctions effectrices et contribue à la clearance virale immunologique. Enfin, il pourrait prévenir la formation de syncitium.
L’essai COMETICE (COVID-19 Monoclonal Anti body Efficacy Trial- Intent to Care Early) a évalué l’efficacité et la tolérance du sotrovimab administré par voie veineuse, chez des patients à haut risque qui présentaient une forme légère ou modérée de Covid. Il s’agit d’un essai de phase 3, en double aveugle, contre placebo, randomisé et multicentrique, avec participation de 57 établissements médicaux d’Amérique du Nord, du Sud et européens. Les participants devaient avoir un test PCR ou antigénique positif à SARS-CoV-2 et avoir débuté leur infection dans les 5 jours précédant l’inclusion dans COMETICE. Ils devaient également être à haut risque de progression (avec menace d’hospitalisation ou de décès), les facteurs de risque étant un âge de 55 ans ou plus, un diabète requérant un traitement médicamenteux, une obésité avec un IMC > 30, une insuffisance rénale chronique avec un débit de filtration glomérulaire < 60 mL/min/1,73 m2, une insuffisance cardiaque congestive, une bronchopneumopathie obstructive ou un asthme de gravité moyenne à sévère. Les patients déjà hospitalisés ou avec signes de grande gravité étaient exclus de l’étude. Une randomisation a été faite dans un rapport 1 :1, soit une perfusion IV unique de 500 mg de sotrovimab en une heure le premier jour, soit un placebo sous la forme d’un volume identique de sérum salé. Il a été procédé à une stratification en fonction de l’âge (≤ 70 ans ou non), de la durée préalable d’évolution (≤ 3 jours vs 4 à 5 jours) et de l’origine géographique (Amérique du Nord vs Amérique du Sud ou Europe).
Le critère principal de l’analyse a été le pourcentage de patients en aggravation au 29e jour, soit ayant nécessité une hospitalisation, soit étant décédés, quelle que soit la cause de la mort. Les critères annexes ont été un élément composite associant passage aux Urgences, hospitalisations et décès au 29e jour. La symptomatologie clinique a été quantifiée par la version COVID du questionnaire FLU-Pro plus, avec un score allant de 0 (aucune symptomatologie manifeste) à 4 (symptomatologie sévère), du 1er au 7e jour d’évolution. La charge virale dans les sécrétions nasales a été mesurée au 8e jour par RT-PCR quantitative. On a calculé, également, la durée totale d’hospitalisation, celle en soins intensifs, le nombre de jours éventuels sous ventilation mécanique, le pourcentage de détection du virus dans les fosses nasales jusqu’ au 29e jour ainsi que le nombre d’effets secondaires, dont notamment celui des réactions post perfusion de sotrovimab et l’importance de la virulence anticorps dépendant.
Moins d’hospitalisations et de décès
Une première analyse intermédiaire a été réalisée le 4 Mai 2021 par un organisme indépendant. A la lecture des résultats initiaux, il a été décidé d’arrêter le recrutement. Sur 1 351 participants potentiels, 1 057 ont été randomisés : 528 dans le bras sotrovimab et 529 avec placebo. La durée moyenne de suivi a été respectivement de 103 jours (EIQ : 79- 128) et de 102 jours (EIQ : 77- 128). Les caractéristiques cliniques et démographiques étaient identiques dans les 2 groupes. L’âge moyen était de 53 ans (EIQ : 42- 62) ; 20 % des participants avaient plus de 65 ans. La majorité était d’origine latine et 90 % avaient été recrutés dans des centres US. La plupart d’entre eux présentaient des symptômes depuis au moins 3 jours, à type de toux, céphalées, myalgies et fatigue.
Des 528 patients traités par sotrovimab, 6 (1 %) ont progressé vers une aggravation au 29e jour. Ils étaient 30 (soit 6 %) dans le même cas sous placebo, soit une réduction très significative dans le bras actif avec un RR (rapport de risque) à 0,21 (intervalle de confiance à 95 % IC : 0,09- 0,50 ; p < 0,001). En outre, parmi les 6 patients sous sotrovimab s’étant aggravés, 3 seulement ont eu une détresse respiratoire liée au Covid tandis que les 3 autres ont nécessité une hospitalisation pour un motif distinct, non lié au SARS-Cov-2. Parmi les critères secondaires, l’élément composite retenu a été noté chez 2 % (13/ 528) des patients du groupe actif face à 7 % (39/529) sous placebo. Le RR s’établit donc à 0,34 (IC : 0,19- 0,63). Ainsi, l’administration de sotrovimab a-t-il réduit nettement le risque de progression vers le syndrome de détresse respiratoire aigu lié au Covid, de l’ordre de 1 % (7/ 528) face à 5 % (28/ 529) dans le bras témoin. Aucun des patients sous anticorps n’a nécessité l’administration d’oxygène à haut débit ou une ventilation mécanique, face à 10 patients sous placebo. Au 29e jou, on ne déplorait aucun décès sous sotrovimab face à 2 dans l’autre groupe. Enfin, un suivi virologique a été effectué chez 733 des 1 057 participants. La chute de la charge virale a été légèrement plus marquée sous traitement actif : -2 589 log10 copies/mL face à – 2 357 sous placebo. Les effets secondaires ont été réduits, de fréquence identique dans les 2 bras : respectivement de 22 et 23 %, les plus fréquents sous sotrovimab étant une diarrhée observée chez 8 patients. Le pourcentage de malades ayant présenté une réaction systémique post perfusion a été aussi le même, les réactions constatées ayant toujours été légères, de grade 1 ou 2 maximum.
Ce travail démontre qu’une perfusion unique de 500 mg de sotrovimab par voie IV chez des sujets à haut risque, atteints d’une Covid légère à modérée, entraîne une diminution significative du pourcentage d’évolutions graves vers une hospitalisation ou un décès au 29e jour de la maladie, avec, parallèlement, une tolérance satisfaisante. De fait, dans le bras sotrovimab, aucune admission en réanimation n’a été nécessaire, face à 9 patients sous placebo. Des réserves sont, cependant, à noter. Peu de patients ayant évolué vers l’aggravation, leurs caractéristiques cliniques n’ont pu être détaillées. La taille de la cohorte d’étude a été relativement réduite, limitant la possibilité de détection d’évènements secondaires rarement observés. Enfin, l’impact des nouveaux variants n’a pu être pris en compte.
Dr Pierre Margent