Le burn out implique 3 dimensions essentielles. Tout d’abord
l’épuisement émotionnel, qui fait référence au sentiment d’avoir
épuisé toutes ses ressources, et occupe un rôle central. La
dépersonnalisation ensuite, qui se traduit par la perte de
l’empathie, voire par du cynisme vis-à-vis des patients, et une
réduction de la qualité des soins (incidents de soins, manque de
professionnalisme, insatisfaction des patients).
Enfin la troisième dimension concerne une baisse du sentiment
d’accomplissement personnel avec une sensation
d’incompétence.
Le burn out chez les médecins est endémique, mais atteint
actuellement le niveau d’une épidémie mondiale, touchant aussi bien
les pays à revenus élevés que les pays à faibles et moyens revenus.
La pandémie de Covid-19 a engendré du stress supplémentaire, avec
des charges de travail augmentées dans des conditions difficiles,
et cela a exacerbé l’épuisement professionnel des médecins.
Une revue systématique de la littérature, suivie d’une
méta-analyse, a été réalisée par une équipe du Royaume-Uni, afin de
préciser certaines caractéristiques du burn out des médecins. Au
total 170 études observationnelles ont été retenues, incluant près
de 240 000 médecins.
Moins de professionnalisme et l’envie de changer de
métier…
Les données recueillies confirment que le burn out est associé
à un désengagement professionnel. Les médecins souffrant de burn
out sont 4 fois plus souvent insatisfaits de leur métier. Ils
expriment aussi 3 fois plus souvent l’intention d’en changer et le
regret d’avoir choisi cette orientation. L’épuisement émotionnel
est l’élément déterminant de l’intention de changer de
métier.
L’association de burn out avec la baisse de la satisfaction
professionnelle est plus fréquente chez les médecins les plus âgés
travaillant aux urgences et aux soins intensifs.
D’autre part, les données montrent que les praticiens
souffrant de burn out sont deux fois plus souvent impliqués dans
des incidents liés à la sécurité des soins, ils montrent un
professionnalisme moindre et sont au moins 2 fois plus susceptibles
de recevoir des avis négatifs de la part des patients. La qualité
des soins et la satisfaction des patients sont en relation inverse
avec les scores obtenus à la mesure de la
dépersonnalisation.
Dans ce domaine de la sécurité des soins, les incidents sont
plus fréquents chez les médecins les plus jeunes travaillant aux
urgences ou en soins intensifs.
Pour les auteurs, des actions efficaces permettant de réduire
l’épuisement professionnel des médecins sont plus que jamais
nécessaires, d’autant que les systèmes de soins du monde entier
sont confrontés à une crise de « main d’œuvre ». Les cibles
prioritaires de ces interventions doivent être l’amélioration de
l’organisation et le soutien individuel aux médecins,
particulièrement à ceux qui exercent en première ligne.
Pourquoi un métier aussi valorisant que celui de médecin, qui coche toutes les cases : - liberté de faire notre travail en notre âme et conscience, avec le savoir prodigué par des ainés sur le mode du compagnonnage - organisation du rythme selon nos besoins et nos désirs - revenus confortables même si nos actes sont moins bien rémunérés - reconnaissance - sécurité financière (la caisse en déficit paye toujours) - contrainte administrative toujours excessive pour nous gaulois mais moins importantes que dans la majorité des autres pays, etc Ce métier n'arrive pas à nous combler, nous épanouir. Et de surcroit engendre un des taux de burn-out les plus élevés en France ? L'évolution de notre société, le manque de coordination, la perte de la notion de vocation qui jadis était le principal déterminant de nos choix et la montée du matérialisme, le changement de nos motivations, le développement des loisirs, le profond désir de protection de notre vie personnelle, la dégradation de ce fameux compagnonnage et la disparition de l'autorité (liée aux savoirs) des anciens médecins qui nous servaient de modèles, le gigantisme des hôpitaux entrainant une dilution des responsabilités et de la reconnaissance, le sentiment de défiance généralisé notamment de la part de l'administration, souvent le décrochage de ceux qui sont sensés nous servir de modèles trop occupés dans les taches non médicales, etc, sont les principales causes. Pourquoi un médecin qui peut se retrouver chaque soir à 18h chez lui, être libre le WE plus au moins un jour par semaine, ne se déplaçant pas, ne faisant plus de garde serait plus en burn-out que les médecins de jadis ? Le problème complexe ne se résoudra pas sans que l'on ait fait un gros travail sur la sélection des futurs médecins qui doit se faire autrement que sur la capacité à apprendre par cœur des sciences fondamentales, sur des critères financiers ou matériels. C'est vers 12-15 ans que devrait pouvoir se révéler le profond désir de soignant et non au moment de cocher les cases de Parcours Sup. La relation entre hommes et femmes, soignants et patients, maitres et élèves doit être une obsession dans la formation et la pratique médicales. Le burn-out n'est pas lié à la masse de travail mais à la qualité et aux conditions d'exercice. Ce sont l'expérience, le bon sens psychologique et la notion d'idéal de vie qui permettent cette réflexion. Et toute cette réflexion, le contrôle des dérives de la pratique médicale, aurait depuis longtemps du être l'obsession de l'Ordre National des Médecins en collaboration avec des associations de patients. Cette démarche à toujours été rejetée par la pensée médicale commune. Le corps médical en subit les conséquences.
Dr J-L. Verine
Un métier devenu impossible
Le 23 septembre 2022
Article très inquiétant. Après des décennies de progrès une véritable régression tant de "l’activité" trop importante des médecins et de leur moral, que du vécu des patients forcément insatisfaits des attentes et autres problèmes auxquels ils sont confrontés. Il n’y a pas qu’en France apparemment que le système est fortement grippé. Il faut trouver une potion...magique.