
Dans le cancer de la prostate, les agents ciblant le récepteur
des androgènes (AR) sont très efficaces mais il vient un moment où
survient une résistance au mécanisme encore mal connu. Pour
l'expliquer, certains experts ont émis l'hypothèse que les rythmes
circadiens pouvaient aider la cellule tumorale à contourner la
déprivation androgénique. L'hypothèse tient la route quand on sait
que la prévalence de certains cancers (poumon, vessie, côlon,
pancréas) est plus importante chez des travailleurs de nuit dont
l'horloge est dérégulée. C'est aussi le cas dans le cancer de la
prostate où l’expression des androgènes est modulée par notre
horloge biologique.
Une première découverte majeure
C'est l'identification du gène CRY-1 qui joue un rôle
déterminant dans les rythmes circadiens et est présent à des
niveaux élevés dans les cancers de la prostate de stade avancé. Il
a été significativement associé à une progression tumorale par un
mécanisme d'une redoutable efficacité. Alors que les traitements
conventionnels visent à endommager l'ADN des cellules tumorales et
provoquer des erreurs dans les mécanismes de réparation, le gène
CRY-1 agit en optimisant la réparation de l'ADN tumoral dans
des modèles animaux de cancer de la prostate et dans des cultures
de cellules tumorales prostatiques. Plus important encore, le taux
de CRY-1 s'élève proportionnellement à l'ampleur des dégâts
à l'ADN. Ce qui expliquerait pourquoi l'hormonothérapie devient
inefficace à des stades avancés.
La cellule tumorale protégée
Des analyses multiomiques ont été pratiquées sur 56
échantillons de tissus prostatiques collectés chez des patients
avec un cancer de la prostate à haut risque, avant et après 3 mois
d'une monothérapie par enzalutamide. Les résultats montrent que
l'inhibition du récepteur des androgènes conduit la tumeur vers un
état neuroendocrine like. Le profil épigénomique montre une
reprogrammation importante induite par l'enzalutamide du facteur de
transcription FOXA-1 qui passe d'une forme inactive à une forme
active, laquelle va induire des signaux en faveur de la survie de
la cellule tumorale.
Ce mécanisme est stimulé par le composant ARNTL (Aryl
hydrocarbon receptor Nuclear Translocator-like protein 1) ou
BMAL1 (Brain and Muscle ARNT-Like 1). Ce gène
BMAL1 est essentiel à l'horloge circadienne et code pour des
protéines qui régulent le métabolisme. Des taux élevés d'ARNTL sont
associés à une progression et l'inactivation de ce gène dans des
souris knock-out, réduit fortement la croissance des cellules
tumorales.
Des cibles thérapeutiques de premier plan
Ces données montrent la plasticité remarquable de FOXA-1 dans
le suivi d'une hormonothérapie. Elles confirment le rôle majeur des
rythmes circadiens dans la résistance à l'hormonothérapie et font
de CRY-1 et FOXA-1, des cibles thérapeutiques de premier
plan.
Cet article a d'abord été publié sur MediQuality le
08/09/2022
Dr Claude Biéva