Le cannabis est l’une des substances addictives les plus consommées
dans le monde. Il se situe à la deuxième place, juste après
l’alcool dans l’univers des toxicomanies. Les vertus récréatives du
cannabis l’emportent assez largement sur ses propriétés
thérapeutiques et sa légalisation dans plusieurs pays, s’il est
pain bénit pour les consommateurs, est plutôt un souci croissant
pour les autorités sanitaires.
Avertissement dans le Cannabis Act au Canada
Au Canada, le produit en question a été autorisé en 2001 pour
un usage médical, mais depuis octobre 2018, sa légalisation pour un
usage récréatif a été obtenue, comme en Afrique du sud, en Uruguay,
dans 17 états et deux territoires américains, ainsi que dans le
district de Columbia (Washington). Conscient des risques liés à un
usage croissant du cannabis, le gouvernement canadien s’est fendu
d’un “Cannabis Act” (Bill C-45) visant à avertir le public
des dangers de sa consommation excessive, complété dans la foulée
par le Bill C-46.
Ce dernier a pour objectif de prévenir les accidents de la
voie publique imputables aux conducteurs d’automobiles qui auraient
forcé sur les doses : les bornes sont fixées sur les taux sanguins
de tétrahydrocannabinol (THC) qui est le principal composant
psychoactif du cannabis. Les pénalités vont de pair avec les
résultats du dosage : au-delà de 2 ng/ml, les poursuites pénales
sont de mise et les peines s’alourdissent au-delà de > 5 ng/ml
(ou en cas de THC > 2,5 ng/ml quand l’alcoolémie est > 0,50
g/l).
Ces mesures sont justifiées par les effets du cannabis sur les
fonctions cognitives et les performances psychomotrices, le risque
d’accident augmentant parallèlement à la montée des taux de THC.
Les effets de la légalisation de cette substance sur la sécurité
routière ont déjà fait l’objet d’études dans plusieurs États
américains qui ont abouti à des résultats discordants en fonction
de l’État et de la méthodologie. L’expérience du Canada dans ce
domaine mérite à cet égard d’être rapportée.
Plus souvent du THC dans le sang des automobilistes accidentés
après la légalisation
Depuis 2011, les taux de THC et l’alcoolémie ont été dosés dans les
centres de traumatologie implantés en Colombie Britannique chez
tous les conducteurs d’automobiles blessés dans les suites d’un
accident impliquant leur véhicule et nécessitant une prise en
charge spécialisée. Il s’agissait de traumatismes légers ou modérés
qui n’impliquaient pas de traitement lourd ou a fortiori
d’hospitalisation.
La prévalence de la consommation de cannabis a pu ainsi être
estimée avant et après sa légalisation, les données recueillies et
traitées concernant de fait la période comprise entre janvier 2013
et mars 2020. Les rapports de prévalence ajustés ont été calculés à
l’aide d’une régression binomiale logarithmique et en tenant compte
des seuils de positivité du dosage du THC tels que précédemment
définis ainsi que de l’alcoolémie.
Au total, 4 339 conducteurs ont répondu aux critères d’inclusion,
dont 3 550 avant et 789 après la légalisation. Avant cette
dernière, un taux de THC > 0 a été détecté chez 9,2 % des
participants et des valeurs > 2,5 ng/ml et > 5,0 ng/ml dans
respectivement 3,8 % et 1,1 % des cas. Après la légalisation, les
valeurs correspondantes ont été respectivement de 17,9 %, 8,6 % et
3,5 %. La légalisation a donc conduit à une augmentation de la
prévalence de la conduite automobile sous l’emprise du
cannabis.
Surtout chez les hommes et les conducteurs de plus de
50 ans
Les rapports de prévalence ajustés correspondant aux seuils
précédents en témoignent : (1) THC> 0 : 1,33 (intervalle de
confiance à 95 % IC 95%, 1,05 à 1,68) ; (2) THC > 2 ng/ ml :
2,29 (IC 95% , 1,52 à 3,45) ; (3) THC > 5 ng/ml : 2,05 (IC 95%,
1,00 à 4,18). La prévalence de la consommation conjointe de
cannabis et d’alcool, pour sa part, est restée stable.
Les conducteurs de plus de 50 ans sont ceux qui ont le plus abusé
du cannabis si l’on se réfère au seuil de THC de 2 ng/ml, le
rapport de prévalence ajusté étant estimé, dans leur cas, à 5,18
(IC 95%, 2,49 à 10,78). Il en a été de même pour les conducteurs de
sexe masculin, le rapport de prévalence ajusté étant alors de 2,44
(IC 95%, 1,60 à 3,74).
Cette étude démontre que la légalisation du cannabis débouche
sur une augmentation de sa consommation, ce qui n’est pas
surprenant.
L’offre crée la demande, y compris chez les conducteurs
d’automobile, tout au moins ceux impliqués dans des accidents
menant dans un centre de traumatologie. La prévalence des
consommateurs a quasiment doublé, voire quintuplé chez les plus de
50 ans et les conducteurs de sexe masculin ne sont pas en
reste.