Cannabis thérapeutique : l’expérimentation prolongée d’un an

Paris, le lundi 27 mars 2023 – Cette expérimentation, débutée en mars 2021, est fortement critiquée, tant par les opposants que par les partisans du cannabis thérapeutique.

C’est tout sauf une surprise : le gouvernement a pris ce samedi un décret visant à prolonger d’un an l’expérimentation de l’usage thérapeutique du cannabis en France. La suite logique d’un amendement à la dernière loi de financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2023 qui prévoyait déjà de prolonger cette étude.

Lancé en mars 2021, cette expérimentation vise à étudier l’intérêt thérapeutique du cannabis dans cinq indications différentes : les douleurs neuropathiques réfractaires aux thérapies conventionnelles, certaines formes d’épilepsie pharmaco-résistantes, certains symptômes de cancer, la spasticité douloureuse de la sclérose en plaque ou d’autres pathologies du système nerveux central et en soins palliatifs. Les participants à l’étude reçoivent du cannabis sous forme de fleurs, d’huile ou de comprimés. L’effet du cannabis sur ces pathologies ayant en réalité déjà fait l’objet d’études à l’étranger, cette expérimentation vise essentiellement à tester son utilisation en « vie réelle » et à « valider les conditions d’accès, de prescription et de dispensation » explique Nicolas Authier, président du comité de suivi de l’expérience à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).

Une étude sans groupe contrôle

Pour justifier cette prolongation de l’expérimentation, le ministère de la Santé évoque la crise sanitaire, qui aurait perturbé la première année d’étude (l’expérience a été lancée en plein confinement) et un nombre insuffisant de patients inclus dans l’étude, le nombre de 3 000 patients n’ayant jamais été atteint. Un prétexte pour les « partisans » du cannabis thérapeutique, qui demandent que sa généralisation soit mise en place au plus vite. « Nous demandons, dès la fin de l’expérimentation, la mise à disposition de médicaments à base de cannabis, conditionnée à une prescription de produits remboursés » lance Mado Gilanto, présidente de l’association Apaiser.

Les observateurs favorables au cannabis thérapeutique considèrent que si l’expérimentation n’a pas encore porté ses fruits, c’est plus la conséquence d’un manque de volonté politique que d’un nombre insuffisant de patients inclus dans l’étude. « Avec 2 100 patients inclus, le nombre est suffisant pour valider l’efficacité de l’expérimentation » abonde dans leur sens Nicolas Authier. Personne n’ignore que la question de la légalisation du cannabis à usage thérapeutique divise au sein du gouvernement, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin y étant totalement opposée. « C’est à se demander si c’est le ministère de l’intérieur ou celui de la santé qui décide » commente un médecin participant à l’expérimentation.

Mais les opposants au cannabis thérapeutique sont également très critiques sur la manière dont est mené cette expérimentation. Il y a un an en mars 2022, les Académies de médecine et de pharmacie s’étaient inquiétés de l’absence de groupe contrôle ce qui qui selon les académiciens déroge « aux exigences méthodologiques, sécuritaire et éthiques qui régissent l’évaluation de tout candidat médicament ».

Une expérimentation sans produits ?

Sur le fond, l’intérêt thérapeutique du cannabis pour les patients inclus dans l’expérimentation fait débat chez les médecins. « L’expérience est positive, plusieurs patients voient leurs symptômes apaisés, certains réduisent les doses d’autres médicaments, cela semble améliorer le sommeil, l’appétit, les troubles anxieux, la qualité de vie est le plus souvent améliorée » commente enthousiaste le Dr Laure Copel, cheffe du service de soins palliatifs à l’hôpital Saint-Simon à Paris. Le Dr Marc Levêque, neurochirurgien et spécialiste de la douleur, est moins convaincu : « par ses multiples actions sur notre système nerveux, le cannabis possède un indéniable effet antalgique, malheureusement, les nombreux effets collatéraux psychiques viennent minorer son effet thérapeutique » estime-t-il.

La poursuite de l’expérimentation pourrait par ailleurs rencontrer des problèmes d’approvisionnement. En effet, lors du lancement de l’étude en mars 2021, un appel d’offres avait été lancé et ce sont des entreprises canadiennes, australiennes et israéliennes qui avaient obtenu le droit d’alimenter en cannabis. La rumeur circule désormais que plusieurs de ces sociétés ne souhaiteraient pas participer à la nouvelle procédure de commande publique, la rémunération promise par l’Assurance maladie étant trop faible. Pour le moment, Nicolas Authier dit ne pas encore avoir d’information sur les produits qui seront disponibles pour cette troisième année d’expérimentation.

Alors que l’expérimentation du cannabis thérapeutique patine en France, certains de nos voisins passent déjà à l’étape suivante, celle de la légalisation du cannabis à usage récréatif. A Zurich en Suisse, les autorités locales ont décidé mardi dernier d’expérimenter pendant trois ans la vente légale de cannabis aux adultes. Et en Allemagne, la légalisation du cannabis pourrait entrer en vigueur le 1er mai prochain.

Nicolas Barbet

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Vos réactions (9)

  • Hypocrisie et obscurantisme français

    Le 28 mars 2023

    “...”
    « Le texte de base sur le cannabis qui décriminalise la culture de quatre plantes 'femelles' au maximum a été voté. La culture du chanvre à domicile est essentielle pour les patients qui doivent en faire un usage thérapeutique et qui souvent ne le trouvent pas disponible ainsi que pour lutter contre le trafic de drogue et la sous-criminalité qui en découle"
    votée le 8/8/21 !
    Voilà où en est l’Italie et la France est toujours loin derrière. L’Italie est un état qui se soucie du bien-être des patient, à contrario, la France criminalise la consommation d’une plante millénaire.
    Qui peut m’expliquer la politique de la France qui se voit obligée de s’aligner sur les lois européennes (réforme des retraites entres autres) et ne pas suivre ces nouvelles lois alors que l’Allemagne s’apprête à légaliser le cannabis récréatif et en France la consommation pour un but thérapeutique n’est toujours pas validée ?
    Quant au choix d’approvisionnement je suis encore choquée de voir que les approvisionnements se feraient au Canada ou Israël ? A l’heure de la (non) transition écologique il me semble qu’en France notamment dans la Creuse tout serait prêt pour cultiver et créer des emplois en France.
    Pendant ce temps les malades trinquent… mais peut être faut-il boire plus d’alcool pour oublier ses douleurs, puisque c’est une drogue légale…

    A Cannavacciuolo, IDE

  • Dialogue sociétal

    Le 28 mars 2023

    On murmure que le Roi est contre, et sa dame aussi.
    Quant à son éminence...

    Dr G Bouquerel

  • Cannabis, accidentologie et cancérogène ; @A Cannavacciuolo

    Le 29 mars 2023

    Et les 700 morts par an par accidentologie routière à cause du cannabis, qu'en faîtes vous? On observe d'ailleurs une augmentation considérable des accidents de la route au Colorado ou au Canada.
    Et le potentiel carcinogène entre 7 et 20 fois plus puissant que le tabac (demandez à Florent Pagny ce qu'il en pense désormais) ?
    Après le cannabis, le Canada songe à légaliser la cocaïne et l'héroïne !
    Hors de question de mettre un pieds dans la légalisation de drogues dures, nous en avons déjà bien assez dans notre société (alcool, tabac, psychotropes abusivement donnés aux enfants).
    Alors le cannabis thérapeutique, d'accord dans les rares cas où il présente un intérêt, le cannabis récréatif non !

    F-X Le Foulon, pharmacien

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