
Composée il y a 88 ans, cette chanson doit maintenant résonner
en Californie plutôt comme un blues découragé qu’une berceuse
apaisante… C’est une conclusion implicite possible au travail de MM
Rahman et coll. (1) qui rappellent qu’en Californie depuis le début
des années 70 la température estivale a augmenté de 1,4°C et la
fréquence des incendies a quintuplé.
Les auteurs ont mené de 2014 à 2019 une étude épidémiologique
sur l'association entre la mortalité dans cet état et les épisodes
de canicule ainsi que l’exposition aux particules fines (PM2,5, PF)
liée aux incendies de forêt. La méthode cas croisés a été utilisée.
Ce type d’analyse épidémiologique semble bien adapté à
l’exploration des effets d'une exposition ponctuelle sur la
survenue d'un événement aigu, ici le décès.
Les événements retenus étaient d’une part la chaleur, définie
(moyenne [écart-type]) selon les valeurs maximale (38,8°C [3,4] et
minimale diurnes (19,3°C [3,1]) ; d’autre part l’indicateur de
l’exposition à la pollution atmosphérique induite par les incendies
était la mesure des PF (concentration maximale retenue : 57,2 µg/m3
[27,9]).
Chaque cas était son propre contrôle : l'analyse statistique a
porté sur les conditions climatiques le jour du décès d'un cas
comparées à celles régnant lors d’un ou plusieurs jours « contrôles
» les mêmes mois, jours et années que le jour du décès. Ainsi les
valeurs des indicateurs climatiques lors d’un décès survenu un
mardi du mois de mai 2015 étaient comparées à celles régnant lors
d’un ou plusieurs autres mardis du mois de mai 2015. Le risque
général de mortalité a été analysé, ainsi que celui d’origine
cardiovasculaire (32,5 % des décès) et respiratoire (9,2 %
des décès).
De quoi pleurer
Pendant la période de l'étude il est survenu 1,5 million de
décès (nombre de cas) et 5,1 millions de jours « contrôles » ont
été pris en compte. Le taux d’augmentation de la mortalité (%,
intervalle de confiance à 95 %) toutes causes confondues était de
6,1 % (4,1- 8,1) en cas de pic extrême de température (>
38,8°C).
L’augmentation du risque était de 5% en cas de pic de
pollution aux PF (> 57,2 µg/m3). L’augmentation de la mortalité
d’origine cardiovasculaire était de 29,9% (3,3- 63,3) et d’origine
respiratoire 38 % (12,5-117,7). Dans les cas où les 2 conditions
étaient réunies l’augmentation de mortalité était 21 % (6,6-37,3).
Ainsi la combinaison des risques était largement supérieure à leur
simple addition.
L'effet de la température minimale de jour a aussi été étudié
: il est considéré pour les auteurs comme un indicateur de la
température nocturne, qui reste élevée lors d’une canicule. Une
augmentation du risque est de fait observée : les majorations
respectives selon une cause de décès cardiovasculaire et
respiratoire sont : 33,3 % (10,5- 60,7) et 44,4 % (0,4-109,4). Le
risque de mortalité toutes causes confondues était enfin plus élevé
après 75 ans.
Ce travail confirme donc clairement l’association en
Californie entre le risque de mortalité et l'exposition à des
températures extrêmes et à la pollution atmosphérique causée par
les incendies, avec une synergie des risques impressionnante. La
chanson « Summertime » se finit ainsi : « hush, little baby, don't
you cry » (chut, bébé, ne pleure pas). La COP27 vient
d’ouvrir (2).
Dr Bertrand Herer