Les traitements chélateurs du fer, déféroxamine, défériprone et déférasirox, leur efficacité comparée, leurs atouts, ainsi que leurs inconvénients et effets indésirables, ont été passés en revue par le Dr D. Cappellini (Milan).
La déféroxamine (Desféral), première molécule commercialisée, a
permis la mise en œuvre d’une chélation efficace, avec une
expérience clinique de plus de 30 ans. Mais sa demi-vie est courte
et elle n’est disponible que sous forme injectable, source
d’observance insuffisante au traitement.
Elle a significativement amélioré la survie des patients.
Outre les fréquentes réactions locales observées (rougeur, prurit,
infiltration…), les effets indésirables recensés sous déféroxamine
dans une étude transversale portant sur 328 patients ayant une
ß-thalassémie majeure ont été présentés. Ils font état de perte
auditive sur les hautes fréquences (n=59), d’altérations visuelles,
de la rétine et du cristallin (n=19), d’allergie (n=6), de retard
de croissance (n=6), de troubles digestifs (n=4) et d’infections
par Yersinia (n=3). Troubles de la croissance, dysplasie
squelettique et perte auditive sont apparus en rapport avec
l’utilisation de doses de déféroxamine plus élevées que celles
imposées par le degré de surcharge ferrique. Le Dr Cappellini
recommande de ne pas dépasser 40 mg/kg/j tant que la croissance
n’est pas achevée, en surveillant de près croissance et
audition.
La mise à disposition de chélateurs du fer administrés par voie orale a été un progrès majeur dans l’acceptation du traitement et l’adhésion thérapeutique. Deux molécules sont disponibles : la défériprone et le déférasirox.
La défériprone (Ferriprox) a, la première, permis une chélation efficace du fer par voie orale, avec une expérience de 16 ans. Elle réduit les taux de ferritine sérique, et la plupart des études ayant évalué son effet cardioprotecteur suggèrent une efficacité plus grande que celle de la déféroxamine. Mais, de demi-vie courte, elle impose des prises multiples.
Et, si l’apparition de troubles digestifs et d’arthropathies a été observée sous défériprone, avec une incidence variable selon les études et la dose, c’est surtout le risque d’agranulocytose, exigeant une NFS hebdomadaire, qui conditionne la surveillance. Cette agranulocytose, qui surviendrait chez 0,5 à 1 % des patients atteints de thalassémie, en général dans la première année de traitement, apparaît rapidement réversible après arrêt de celui-ci mais récidive habituellement à sa réintroduction.
Le déférasirox (Exjade), dernier-né, permet, par voie orale, une
chélation efficace, avec une expérience de plus de 3 ans. Sa
demi-vie longue, permet une seule prise quotidienne. De plus, son
efficacité sur le plan de la chélation apparaît double de celle de
la déféroxamine.
Les résultats d’une étude menée par le Dr D. Cappellini, chez des
patients ayant une ß-thalassémie, fondée sur la détermination de la
LIC et de la ferritinémie, montre que le déférasirox a induit une
amélioration, dose-dépendante, de la charge en fer ; l’équilibre a
été atteint pour 20 mg/kg/j et la charge s’est inversée pour 30
mg/kg/j. Cette relation dose-dépendante permet donc un traitement
adapté « sur mesure ».
La survenue, souvent transitoire, de troubles digestifs
(douleurs abdominales, diarrhée, nausées, vomissements) et de rashs
cutanés a été rapportée sous déférasirox, de fréquence variable
selon la dose, et d’intensité le plus souvent légère à modérée.
L’apparition d’une cataracte précoce et d’une perte auditive sur
les hautes fréquences ont été signalées, et une étude ayant comparé
ces effets oculaires et auditifs indésirables sous
déféroxamine et sous déférasirox pris depuis une année et
plus, laisse apparaître le caractère inhabituel de ces effets
indésirables et une fréquence d’apparition comparable pour les deux
chélateurs (1,4 %, n = 5 sur 353 patients sous déféroxamine versus
1 %, n = 7 sur 703 sous déférasirox). L’augmentation des
transaminases a été signalée, corrélée à l’augmentation de la
ferritinémie.
Une élévation dose-dépendante de la créatininémie a été observée
chez 36 % des patients traités par déférasirox. Cette
élévation de la créatininémie est apparue légère, non évolutive,
avec diminution de la clairance de la créatinine au cours des
quatre premières semaines sans déclin ensuite, et dose-dépendante.
Elle était plutôt le fait des patients ayant un rythme de
transfusions moindre, plus volontiers observée dans la population
myélodysplasique que thalassémique.
Le Dr D. Cappellini insiste sur la rigueur de la surveillance
des effets secondaires, qui doit comporter :
-l’évaluation de la ferritine sérique avant traitement puis
mensuellement sous traitement, avec ajustement des doses sur la
tendance évolutive des 3 à 6 mois ;
-le dosage de la créatininémie et la détermination de la clairance
de la créatinine, avant traitement, puis chaque mois au cours de la
chélation ;
-les explorations fonctionnelles hépatiques mensuelles ; les
examens ophtalmologique et auditif avant traitement et
annuellement.
Dr Julie Perrot