
Il n’y a pas d’acte chirurgical sans risque. Une intervention jugée mineure peut se terminer en catastrophe si elle n’est pas réalisée dans les règles de l’art et si son rapport bénéfice/risque n’est pas estimé avec la rigueur qui convient. Pour ce qui est du risque de maladie thrombo-embolique veineuse (MTEV), il est cependant légitime de distinguer les actes chirurgicaux lourds qui vont imposer une thromboprophylaxie adéquate et ceux, plus légers, souvent pratiqués de manière mini-invasive et en ambulatoire.
Ces derniers ne débouchent pas a priori sur l’instauration d’un traitement anticoagulant préventif. Cette distinction quelque peu académique peut être remise en question en fonction du patient, de son âge, de son profil de risque, des modalités opératoires, du type d’intervention et de la part d’imprévu qui règne dans toutes les formes de la pratique médicale.
C’est ce que montre une étude de cohorte rétrospective, du type cas-témoins, la MEGA-study, qui a reposé sur une vaste base de données hospitalières, le Dutch Hospital Data Registry. Ainsi a-t-il été possible d’accéder à un groupe d’interventions chirurgicales mineures et à leurs suites à court et long terme. Le risque de MTEV postopératoire a été évalué au 90e jour sous la forme d’un odds ratio (OR) à l’aide d’une régression logistique multiple. Au bout d’un an de suivi, c’est le risque relatif qui a été calculé. Dans les deux analyses, des ajustements multiples ont porté sur les variables ou facteurs suivants : indice de masse corporelle (IMC), sexe, âge, comorbidités et notion d’inflammation ou d’infection postopératoire.
Cure de hernie inguinale, cholécystectomie laparoscopique et surtout…stripping veineux
Deux groupes ont été appariés selon l’âge et le sexe : 4 247 cas de MTEV et 5 538 témoins. L’âge médian dans ces deux groupes réunis a été estimé à 48,5 ans et l’IMC à 25,5 kg/m2. Neuf interventions à faible risque de MTEV ont été prises en compte. Au total, 123 participants, dont 90 dans le groupe des cas et 33 dans celui des témoins avaient subi une de ces interventions dans les 90 jours précédents, ce qui conduit à un OR de 3,5 (intervalle de confiance à 95 % IC 95% 2,3-5,3).
Parmi les actes chirurgicaux susceptibles de favoriser la survenue d’une MTEV, trois se distinguent clairement : le stripping veineux ce qui n’est pas une surprise (OR 7,2, IC 95% 2,4-21,2), la cure chirurgicale d’une hernie inguinale par laparotomie (OR 3,7, IC 95% 1,2-11,6) et la cholécystectomie par laparoscopie (OR 3,2, IC 95% 1,0-10,6). Les autres interventions n’ont pas conduit à un tel risque qui est par ailleurs apparu non significatif au terme d’une année de suivi, quelle que soit l’intervention.
Cette étude transversale du type cas-témoins a certes ses limites intrinsèques de nature méthodologique. Elle n’en suggère pas moins que certaines interventions chirurgicales jugées mineures sont associées à un risque élevé de MTEV post-opératoire. Pour ce qui est du stripping veineux, le contexte doit inciter à la plus grande prudence et plaide en faveur d’une thromboprophylaxie qui est d’ailleurs souvent instaurée par précaution. La cure d’une hernie inguinale et la cholécystectomie laparoscopique sont également dans le collimateur, même si ces résultats méritent d’être confirmés par des études prospectives, cela va de soi.
Dr Philippe Tellier