Clinea, Arpavie : des structures privées sous le feu d’accusations

Paris, le lundi 14 février 2022 – Après Orpea et Korian, ce sont les sociétés Clinea, filiale d’Orpea et Arpavie, spécialisées dans la dépendance, qui sont pointées du doigt pour leurs modes de fonctionnement.

« Ouverture, Respect, Présence, Ecoute, Accueil ». Telles sont les valeurs promues par Orpea à travers son sigle. Mais l’image bienveillante que voulait se donner le leader mondial des Ehpad est écornée depuis trois semaines et la parution du livre enquête du journaliste Victor Castanet, Les Fossoyeurs, qui affirme, nous en avons déjà fait l’écho, l’existence de maltraitances et de dysfonctionnements dans les maisons de retraite gérés par le groupe. Alors que les accusations pleuvent contre Orpea, que les enquêtes administratives se multiplient, que le cours de son action ne cesse de chuter en bourse, c’est désormais par le biais de sa filiale Clinea que le groupe est attaqué.

« J’étais prisonnier, déshumanisé »

Créé en 1999, Clinea est spécialisé dans les soins de suite (72 cliniques) et les soins psychiatriques (53 cliniques). Un marché particulièrement rentable qui dégage un résultat net d’environ 73 millions d’euros par an pour Orpea. Selon l’enquête menée par le journaliste du Monde Samuel Laurent, le même « système » mis en place dans les Ehpad gérés par Orpea serait à l’œuvre dans les cliniques Clinea, soit la recherche maximale du profit au détriment de la qualité des soins et de la prise en charge des patients. La méthode de Clinea consisterait selon ses détracteurs à racheter des cliniques en déshérence pour une bouchée de pain et d’y réduire les effectifs afin de dégager une rentabilité maximale.

Pour son enquête, Samuel Laurent a interrogé de nombreux patients passés entre les murs des cliniques Clinea. Tous décrivent un manque de personnel criant et une absence de prise en charge. « Je me sentais seul médicalement, je n’ai vu ma psychologue que deux fois en trois semaines » explique une patiente de 29 ans, hospitalisée dans une clinique psychiatrique du groupe, qui raconte avoir dû elle-même venir en aide à une autre patiente suicidaire, faute de soignants disponible. « J’étais prisonnier, déshumanisé » décrit Michel Lavollay, ancien médecin admis dans une clinique Clinea à la suite d’une Covid-19. La stratégie commerciale de Clinea consisterait généralement à mettre en avant ses prestations hôtelières (chambre seule, repas, télévision…) pour pousser les patients/clients à la consommation, prestations qui se révèleraient souvent décevantes.

Choc des cultures à Arpavie

L’enquête du Monde s’est trouvé un témoin de choix : Patrick Métais, ancien médecin coordinateur national d’Orpea, parti en 2013 et qui a également aidé Victor Castanet dans son enquête. Il a connu de l’intérieur la gestion de Clinea et décrit une obsession pour la rentabilité, une violence managériale et une forte culture antisyndicale. Des méthodes qui ont été la source de nombreux conflits prud’hommaux (plus de 60 procès en 10 ans selon Samuel Laurent).

Orpea et Clinea ne sont pas les seuls acteurs du secteur privé à être critiqué pour leur gestion du personnel. Le Parisien a ainsi révélé ce vendredi le contenu d’un rapport du cabinet Syndex, spécialisé dans les risques psychosociaux, sur les méthodes managériales à l’œuvre dans le groupe Arpavie. Filiale de la Caisse des Dépôts, Arpavie est une société privé du secteur associatif à but non lucratif qui gère 47 Ehpad et 78 résidences pour personnes âgées. A la suite de difficultés financières, la Caisse des Dépôts a décidé de placer à sa tête en 2020 Jean-François Vitoux, ancien PDG de Domus Vi, géant du secteur privé lucratif.

Ce dernier aurait alors voulu « imposer » à Arpavie les méthodes du secteur privé. Une greffe qui a eu bien du mal à prendre selon les conclusions du rapport de Syndex qui décrit les conséquences de ce « choc des cultures » entre le lucratif et l’associatif. Sur la base de nombreux témoignages de salariés, le rapport met notamment en exergue un management agressif qui conduit à une instabilité des effectifs et à une prise en charge « dégradée » des résidents. « Avant chez Arpavie, c’était l’humain et la personne âgée avant tout, aujourd’hui nous n’avons plus le même langage que nos dirigeants » résume une ancienne employée.

Différentes accusations qui posent la question de la difficile conciliation entre la recherche du profit inhérente au secteur privé et le bien-être du patient, qui devrait toujours rester une priorité en matière de soins.

Quentin Haroche

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