
Paris, le lundi 14 février 2022 – Après Orpea et Korian, ce
sont les sociétés Clinea, filiale d’Orpea et Arpavie, spécialisées
dans la dépendance, qui sont pointées du doigt pour leurs modes de
fonctionnement.
« J’étais prisonnier, déshumanisé »
Créé en 1999, Clinea est spécialisé dans les soins de suite
(72 cliniques) et les soins psychiatriques (53 cliniques). Un
marché particulièrement rentable qui dégage un résultat net
d’environ 73 millions d’euros par an pour Orpea. Selon l’enquête
menée par le journaliste du Monde Samuel Laurent, le même «
système » mis en place dans les Ehpad gérés par Orpea serait
à l’œuvre dans les cliniques Clinea, soit la recherche maximale du
profit au détriment de la qualité des soins et de la prise en
charge des patients. La méthode de Clinea consisterait selon ses
détracteurs à racheter des cliniques en déshérence pour une bouchée
de pain et d’y réduire les effectifs afin de dégager une
rentabilité maximale.
Choc des cultures à Arpavie
L’enquête du Monde s’est trouvé un témoin de choix :
Patrick Métais, ancien médecin coordinateur national d’Orpea, parti
en 2013 et qui a également aidé Victor Castanet dans son enquête.
Il a connu de l’intérieur la gestion de Clinea et décrit une
obsession pour la rentabilité, une violence managériale et une
forte culture antisyndicale. Des méthodes qui ont été la source de
nombreux conflits prud’hommaux (plus de 60 procès en 10 ans selon
Samuel Laurent).
Orpea et Clinea ne sont pas les seuls acteurs du secteur privé
à être critiqué pour leur gestion du personnel. Le Parisien a ainsi
révélé ce vendredi le contenu d’un rapport du cabinet Syndex,
spécialisé dans les risques psychosociaux, sur les méthodes
managériales à l’œuvre dans le groupe Arpavie. Filiale de la Caisse
des Dépôts, Arpavie est une société privé du secteur associatif à
but non lucratif qui gère 47 Ehpad et 78 résidences pour personnes
âgées. A la suite de difficultés financières, la Caisse des Dépôts
a décidé de placer à sa tête en 2020 Jean-François Vitoux, ancien
PDG de Domus Vi, géant du secteur privé lucratif.
Ce dernier aurait alors voulu « imposer » à Arpavie les
méthodes du secteur privé. Une greffe qui a eu bien du mal à
prendre selon les conclusions du rapport de Syndex qui décrit les
conséquences de ce « choc des cultures » entre le lucratif
et l’associatif. Sur la base de nombreux témoignages de salariés,
le rapport met notamment en exergue un management agressif qui
conduit à une instabilité des effectifs et à une prise en charge «
dégradée » des résidents. « Avant chez Arpavie, c’était
l’humain et la personne âgée avant tout, aujourd’hui nous n’avons
plus le même langage que nos dirigeants » résume une ancienne
employée.
Quentin Haroche