
Une étude rétrospective sur 305 patients
C’est à cette question que répond une étude d’observation rétrospective émanant d’un seul centre spécialisé dans laquelle ont été inclus 305 patients atteints d’une obésité morbide (indice de masse corporelle ≥40 kg/m2) tous hospitalisés pour des motifs divers, en dehors de toute MVTE évolutive.Deux groupes ont été constitués rétrospectivement : (1)
énoxaparine (40 mg toutes les 12 heures) (n = 190) ; HNF (7 500 UI
toutes les huit heures) (n = 115). ; (2) HNF (7 500 UI toutes les
huit heures). L’évaluation par analyse multivariée a porté sur deux
critères de jugement principaux : (1) évènements en rapport avec
une MVTE en cours d’hospitalisation ; (2) hémorragies
majeures.
Plutôt l’énoxaparine que l’héparine non fractionnée
La fréquence de ces dernières s’est avérée plus élevée dans le
groupe HNF que dans le groupe énoxaparine, l’odds ratio (OR)
correspondant étant en effet estimé à 1,85 (intervalle de confiance
à 95 % [IC] 1,07-3,13 ; p = 0,025). Aucune différence intergroupe
significative n’a été mise en évidence quant à la fréquence
des évènements thrombo-emboliques en cours d’hospitalisation, qu’il
s’agisse des thromboses veineuses profondes ou des embolies
pulmonaires. Seules deux variables indépendantes prédictives du
risque hémorragique ont été identifiées en analyse multivariée :
(1) l’importance des soins intensifs témoignant d’un état clinique
préoccupant (OR = 3,32 ; IC 95 %, 1,91-5,78 ; p < 0,001) ; (2)
le choix préférentiel de l’HNF pour la prophylaxie de la MVTE (OR
2,16, IC 95 % 1,22-3,82 ; p = 0,008).
Cette étude rétrospective n’autorise que des hypothèses. Chez
les patients atteints d’une obésité morbide particulièrement
exposés à la MVTE, les doses élevées d’un anticoagulant, tel
l’énoxaparine, seraient préférables à des doses élevées d’héparine
non fractionnée.
Le risque d’hémorragies majeures s’en trouverait nettement
réduit, notamment en cas de séjour en soins intensifs. Ces
résultats justifient en toute rigueur des essais randomisés
qui sont la seule façon de comparer le plus objectivement possible
deux stratégies thérapeutiques. Le problème est d’importance dans
le contexte de la pandémie de Covid-19, étant entendu que l’obésité
morbide fait partie des comorbidités à haut voire à très haut
risque thrombo-embolique.
Dr Philippe Tellier