
Paris, le lundi 26 septembre 2022 – En 2020, le bilan était
presque parfait. « 94,1 % de la population, soit plus de 62,1
millions d’habitants, a été alimentée par de l’eau en permanence
conforme aux limites de qualité. Dans 48 départements, plus de 98 %
de la population a été desservie par une eau respectant en
permanence les limites de qualité pour les pesticides. L’eau
distribuée a été en permanence conforme pour l’ensemble de la
population de 20 de ces départements. 3,9 millions d’habitants
(soit 5,9 % de la population française), répartis dans 1 192 UDI de
81 départements, ont été alimentés par de l’eau du robinet au moins
une fois non-conforme au cours de l’année 2020 » pouvait-on
lire dans le bilan de la qualité de l’eau établi par le ministère
de la Santé.
Mieux encore, la situation semblait s’améliorer. « On
constate une amélioration de ce pourcentage depuis 2018 qui
s’accompagne, par corrélation, par une baisse des proportions de
personnes alimentées par une eau ayant présenté des dépassements
ponctuels ou récurrents de la limite de qualité » ajoutait la
synthèse.
Pertinence
Pourtant en 2021, la dégradation serait majeure. Selon des
données du Monde et un reportage qui doit être diffusé ce jeudi sur
France 2 dans le cadre de l’émission Complément d’enquête, ce sont
20 % des Français qui en 2021 ont reçu une eau non conforme aux
normes de qualité au moins une fois dans l’année, soit quatre fois
plus que l’année précédente.
Quel évènement a pu provoquer une telle détérioration ?
Jusqu’en 2020, en vertu d’une directive de 1998, les états
européens étaient tenus de rechercher dans l’eau potable les
métabolites des pesticides considérés comme « pertinents
».
Mais face à l’imprécision de ce terme, donnant lieu à des
interprétations diverses, le texte a évolué en 2020 et précise :
« Un métabolite de pesticide est jugé pertinent pour les eaux
destinées à la consommation humaine s’il y a lieu de considérer
qu’il possède des propriétés intrinsèques comparables à celles de
la substance mère en ce qui concerne son activité cible pesticide
ou qu’il fait peser (par lui-même ou par ses produits de
transformation) un risque sanitaire pour les consommateurs
».
Des données parcellaires et en constante évolution
Problème : la preuve d’un risque sanitaire de telle ou telle
métabolite est souvent loin d’être parfaitement établie. Les
données sont souvent parcellaires et difficilement interprétables
en ce qui concerne la santé humaine. Par ailleurs, pour un grand
nombre de métabolites, il n’existe pas toujours de Vmax qui fasse
l’unanimité et les travaux pour en fixer une sont souvent longs,
d’autant plus que les données peuvent être contradictoires et sont
sans cesse en évolution.
Certains effets délétères non soupçonnés sont ainsi
identifiés, quand d’autres au contraire sont finalement écartés.
C’est dans ce contexte très complexe que la Direction générale de
la Santé (DGS) a cependant donné pour instruction d’élargir les
contrôles en vue d’identifier les métabolites des
pesticides.
Cette préconisation a conduit à une augmentation des
signalements de non-conformité aujourd’hui mis en évidence par le
Monde ou Complément d’enquête et alors que les autorités sanitaires
officielles n’ont pas encore transmis leur bilan et ont préféré ne
pas commenter les alertes des journalistes.
Rupture de la confiance
L’exercice de communication sur ces résultats est de fait
particulièrement difficile et sans doute ces révélations
médiatiques ne font que compliquer la donne.
Faut-il en effet croire comme l’affirme cité par le Monde,
l’ancien directeur général de l’ARS Nouvelle Aquitaine Michel
Laforcade que nous sommes face à ce qui pourrait être un «
scandale de santé publique », scandale lié à un défaut de
vigilance des autorités quant à la surveillance des pesticides dans
l’eau courante ? Ou peut-on plutôt considérer que si les contrôles
sont de plus en plus poussés et précis, la qualité globale de l’eau
doit pour sa part continuer à être considérée comme majoritairement
conforme ?
En tout état de cause, le gouvernement devra très probablement
se prêter à un exercice délicat de pédagogie sur ces sujets. A
l’heure des recommandations concernant l’économie de nos
ressources, une rupture de la confiance des Français dans la
qualité de l’eau pourrait être particulièrement dommageable,
d’autant plus si elle n’est pas associée à un risque sanitaire
réellement établi.
Aurélie Haroche