Covid-19, des vaccins à ARNm sous haute surveillance

La mise au point de vaccins efficaces et bien tolérés contre le SARS-CoV-2 constitue un élément fondamental pour endiguer la pandémie Covid-19. Deux vaccins à ARN messager (ARNm), le BNT162b2 de Pfizer BioNTech et le mARN-1273 de Moderna ont été les premiers autorisés aux USA, démontrant, dans les travaux initiaux, un taux d’efficacité de plus de 94 % pour les infections symptomatiques, couplé à une incidence faible d’effets secondaires notables. Mais les essais de phase 3 ne sont pas le moyen idéal pour identifier des pathologies iatrogènes rares ou graves. Une surveillance secondaire s’impose donc pour confirmer la tolérance post vaccinale, maintenir la confiance envers les vaccins et compléter les données de santé publique.

Depuis 2006, un organisme collaboratif, dénommé Vaccins Safety Data Link, surveille de façon hebdomadaire les pratiques vaccinales. Il a, dans le cadre de la vaccination contre le SARS-CoV-2, permis un suivi régulier de 23 « évolutions péjoratives » possibles après vaccination, dans des populations variées. Ont été inclus dans la surveillance 12 506 658 individus de tout âge, représentant 3,6 % de la population US ; 16 % étaient âgés de plus de 65 ans et 20 % de moins de 18 ans. Pour chacun ont été notifiées diverses données démographiques, celles concernant leur vaccination ainsi que les motifs de consultations ou d’hospitalisations ultérieures. Une surveillance plus ciblée Covid-19 a porté sur 10 162 227 d’entre eux, ayant une couverture sanitaire privée et âgés de 12 ans au moins. Elle a été menée du 11 Décembre 2020 au 26 Juin 2021, l’objectif essentiel étant de comparer l’incidence des 23 événements pathologiques ciblés chez des individus récemment vaccinés, du 1er au 21e jour après l’injection, vs celle observée chez des vaccinés plus anciens qui avaient reçu une dose vaccinale 22 à 42 jours plus tôt.

23 pathologies ciblées

Parmi les pathologies étudiées figurent les nécroses myocardiques aiguës, les paralysies faciales de Bell, les thromboses des sinus veineux cérébraux, les syndromes de Guillain-Barré, les myocardites-péricardites, les embolies pulmonaires, les ictus cérébraux, les syndromes thrombose-thrombocytopénie…Ont été également prises en compte les observations d’anaphylaxie due au vaccin contre le Covid-19 ayant nécessité un passage aux Urgences, voire une hospitalisation, selon les critères de la Brighton Collaboration, après exclusion des autres étiologies possibles d’allergie grave. Tous les événements pathologiques survenus dans les 84 jours suivant la vaccination ont été analysés, le choix d’un délai de surveillance plus prolongé ayant été exclu, car pouvant majorer la possibilité de biais liés à des facteurs confondants non mesurés. Plusieurs analyses stratifiées ont été effectuées, selon les catégories d’âge, l’origine ethnique, le lieu de vaccination et sa date. Il a aussi été procédé à une comparaison avec des sujets non vaccinés. Enfin, des tests séquentiels ont été réalisés toutes les semaines.

Durant les 6 mois de l’étude, il a été administré un total de 11 845 128 doses de vaccin à ARNm (6 175 811 premières doses et 5 669 315 secondes doses) à 6,2 millions d’individus. Leur âge moyen était de 49 ans ; 54 % étaient des femmes. Globalement, la vaccination a concerné essentiellement des personnes âgées de 18 à 49 ans (5 124 940) mais elle a couvert prioritairement les sujets de 75 ans et plus (82,4 % avec une première dose et 79,2 % avec seconde dose vaccinale). La vaccination a été plus fréquente chez les Blancs et les Asiatiques.

Le nombre d’événements pathologiques signalés dans une période de 21 jours va de 0 pour la maladie de Kawasaki à 1 059 (1 612/ 1 000 000 personnes-années) pour les accidents vasculaires cérébraux ischémiques. Lors du suivi hebdomadaire, aucune de ces pathologies n’a eu une incidence très différente et n’a rempli, comparativement entre les 2 groupes étudiés, un critère de signalement avec un p < 0,0048. Le risque Ratio (RR) ajusté varie de 0,70 (intervalle de confiance à 95 % IC : 0,39- 1,28) pour la coagulation intravasculaire disséminée à 2,60 (IC : 0,47- 20,60) pour le purpura thrombotique thrombocytopénique. Parmi les pathologies les plus fréquemment rencontrées, le RR à 0,97 (IC : 0,87- 1,08) pour les accidents vasculaires cérébraux ischémiques, à 0,82 (IC : 0,73- 0,93) pour les appendicites, à 1,02 (IC : 0,89- 1,10) pour les nécroses myocardiques, à 1,16 (IC : 0,80- 1,17) pour les thrombo-embolies d’origine veineuse et à 1,00 (IC : 0,86- 1,17) pour les paralysies faciales. Des analyses complémentaires, incluant des comparaisons avec des sujets non vaccinés fournissent des résultats similaires, à l’exception des myocardites/péricardites, de survenue en règle précoce dans les 5 à 7 jours suivant la vaccination, pour lesquelles le RR est significatif à 1,39 (CI : 1,05- 1,81).

L’incidence d’une anaphylaxie confirmée est de 4,8 (IC : 3,2- 6,9) par million de doses avec le vaccin BNT162b2 et de 5,1 (IC : 3,3-7,6) pour le mARN 12733. La plupart des cas concernent des femmes (95 %) et des patients avec antécédents allergiques (78 %). L’accident anaphylactique survient le jour de la vaccination dans 98 % des cas et après la première dose dans 82 %. Le début de la symptomatologie se fait généralement dans les 30 minutes suivant l’injection (87 %).

Pas d’incidence accrue dans les 21 premiers jours sauf pour l’anaphylaxie et les myocardites/péricardites

Ainsi, au terme de cette surveillance intérimaire de plus de 11 800 000 doses de vaccins à ARNm, effectuée dans des populations variées entre Décembre 2020 et Juin 2021, il a été impossible de mettre en évidence une association significative entre vaccination et incidence de 23 pathologies particulières, de survenue précoce dans les 21 jours suivant l’acte vaccinal, et en comparaison avec celles survenues plus tardivement, entre le 22e et le 42e jour post vaccination. Point à noter, cette surveillance a été hebdomadaire et a concerné des populations diverses, géographiquement distinctes. La seule exception a été la possibilité de cluster de myocardites/péricardites, affectant les individus les plus jeunes, de survenue précoce, dans la première semaine et souvent après la seconde administration de vaccin. Quant à l’anaphylaxie post vaccin ARNm contre la COVID-19 elle a surtout concerné des femmes et a paru plus fréquente que celle observée après vaccination anti grippale.

En résumé, des analyses itératives de surveillance de vaccination par ARNm contre le SARS-CoV-2 ont montré que l’incidence de 23 événements pathologiques ciblés n’a pas été différente dans les 21 premiers jours suivant la vaccination que dans une période plus tardive, allant du 22e au 42e jour. Une surveillance attentive reste toutefois, dans l’avenir, indispensable.

Dr Pierre Margent

Référence
Klein NP et coll. : Surveillance for Adverses Events After COVID-19 mRNA Vaccination. JAMA ; Published online. September 3 ; 2021.

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