Covid-19 : quand les normes mettent un coup d’arrêt à la solidarité 

Paris, le lundi 18 mai 2020 - C’est un bel élan de solidarité qui connait désormais un coup d’arrêt brutal.

Durant les heures les plus critiques de l’épidémie de Covid-19, la plateforme Covid3D a mis en relation des centaines de professionnels de santé désarmés avec des milliers de bénévoles prêts à prendre sur leur temps pour réaliser (à leurs frais) des visières de protection grâce à leurs imprimantes 3D.

Cette action a permis la distribution de plus de 200 000 visières à travers la France.

Mais le 15 mai, la plateforme Covid3D a annoncé la fermeture de son site afin de ne pas faire peser sur les "makers" un risque juridique désormais jugé trop important.

Des normes modifiées

Deux notes interministérielles du 23 et 30 avril 2020 ont semé le trouble chez les concepteurs bénévoles. Elles visent à modifier les procédures d’évaluation et de conformité des visières « mises sur le marché », transposant une recommandation émise par la Commission Européenne le 13 mars 2020.

L’objectif annoncé des directives est de veiller à assurer « un niveau adéquat de protection de la santé et de la sécurité des utilisateurs » en précisant notamment « les conditions de marquage et les informations devant être fournies par le fabricant. »

En pratique, ces directives font surtout peser de nouvelles normes strictes sur les bénévoles.

En effet, faut-il comprendre que la notion de « mise sur le marché » s’applique aux visières distribuées à titre gratuit ? Il est vrai que selon le droit de l’Union Européenne, cette notion de mise sur le marché recouvre non seulement la vente d’un produit, mais aussi sa distribution ou cession « à quelque titre que ce soit ».

Un risque de travail dissimulé ?

Or, selon certains commentateurs, cette notion de mise sur le marché ferait peser sur les bénévoles un risque grave sur le terrain fiscal et civil.

Tout d’abord, la plateforme Fabricommuns (qui vise à « accompagner la réponse collective et bénévole aux besoins matériels des personnes en première ligne face au Covid19 ») rappelle que toute activité de fabrication et de mise sur le marché est, en théorie, soumise au droit du travail et au droit fiscal (et notamment à la TVA).

Or, les plateformes veulent éviter de faire peser sur les bénévoles un risque conséquent sur le plan pécuniaire (par exemple, en cas de poursuites pour travail dissimulé) !

En outre, en s’accordant une part de marché par sa production bénévole, un fabricant (ou un groupement de fabricants) pourrait être accusé d’opérer une concurrence déloyale vis-à- vis de fabricants installés…

Enfin, et c’est sans doute le point le plus délicat pour les concepteurs bénévoles : la mise sur le marché d’un produit, même gratuitement, n’exonère pas d’une éventuelle mise en cause de la responsabilité civile en cas de défectuosité d’un produit (et ceci même si les concepteurs proposent parfois la signature d’une décharge aux professionnels de santé…).

La sagesse a donc poussé la plateforme à mettre fin à cette activité purement bénévole.

La bureaucratie a parlé ?

La fermeture de la plateforme met donc un terme à une formidable opération bénévole. Cet épisode symbolise à lui seul les signaux contradictoires entre un pouvoir politique qui en appelle à la « solidarité nationale » (en soutenant la fabrication gratuite de masques répondant aux normes AFNOR) et une bureaucratie résolue à ne pas vouloir « entrer en guerre. »

CH

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Vos réactions (2)

  • De pire en pire !

    Le 20 mai 2020

    Certes des masques non homologués peuvent être dangereux! mais c'est pour risque de"travail au noir" et de "perte" de TVA que l'on tue des bonnes volontés au lieu de les aider! La France devient de plus en plus française! Et on donne 7 milliards pour arrêter la production de la Zoee, et investisons des drones pour surveiller des pékins, alors que l'on aurait pu mettre à profit la diminution notable du trafic automobile secondaire au confinement pour refaire nos routes!

    En repensant au travail au black, l’inverse, c'est le technocrate payé, gavé au grand jour à prix d'or, non pas pour ne rien faire, mais pour emmerder le monde! On finira par s'en sortir, j'en suis certain, mais comment!

    Dr Jean-Paul Vasse

  • Très étonnant !

    Le 22 mai 2020

    Le meilleur moyen de contourner cette obligation est de constituer une association loi de 1901 à laquelle les makers et les bénévoles adhèrent. Les produits développés dans le cadre de l'association étant mis gratuitement à disposition des membres de l'association. Les cotisations servant à financer le cout des matières premières.

    Dr Didier Cugy

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