
Durant les heures les plus critiques de l’épidémie de Covid-19, la plateforme Covid3D a mis en relation des centaines de professionnels de santé désarmés avec des milliers de bénévoles prêts à prendre sur leur temps pour réaliser (à leurs frais) des visières de protection grâce à leurs imprimantes 3D.
Cette action a permis la distribution de plus de 200 000 visières à travers la France.
Mais le 15 mai, la plateforme Covid3D a annoncé la fermeture de son site afin de ne pas faire peser sur les "makers" un risque juridique désormais jugé trop important.
Des normes modifiées
Deux notes interministérielles du 23 et 30 avril 2020 ont semé le trouble chez les concepteurs bénévoles. Elles visent à modifier les procédures d’évaluation et de conformité des visières « mises sur le marché », transposant une recommandation émise par la Commission Européenne le 13 mars 2020.L’objectif annoncé des directives est de veiller à assurer « un niveau adéquat de protection de la santé et de la sécurité des utilisateurs » en précisant notamment « les conditions de marquage et les informations devant être fournies par le fabricant. »
En pratique, ces directives font surtout peser de nouvelles normes strictes sur les bénévoles.
En effet, faut-il comprendre que la notion de « mise sur le marché » s’applique aux visières distribuées à titre gratuit ? Il est vrai que selon le droit de l’Union Européenne, cette notion de mise sur le marché recouvre non seulement la vente d’un produit, mais aussi sa distribution ou cession « à quelque titre que ce soit ».
Un risque de travail dissimulé ?
Or, selon certains commentateurs, cette notion de mise sur le marché ferait peser sur les bénévoles un risque grave sur le terrain fiscal et civil.Tout d’abord, la plateforme Fabricommuns (qui vise à « accompagner la réponse collective et bénévole aux besoins matériels des personnes en première ligne face au Covid19 ») rappelle que toute activité de fabrication et de mise sur le marché est, en théorie, soumise au droit du travail et au droit fiscal (et notamment à la TVA).
Or, les plateformes veulent éviter de faire peser sur les bénévoles un risque conséquent sur le plan pécuniaire (par exemple, en cas de poursuites pour travail dissimulé) !
En outre, en s’accordant une part de marché par sa production bénévole, un fabricant (ou un groupement de fabricants) pourrait être accusé d’opérer une concurrence déloyale vis-à- vis de fabricants installés…
Enfin, et c’est sans doute le point le plus délicat pour les concepteurs bénévoles : la mise sur le marché d’un produit, même gratuitement, n’exonère pas d’une éventuelle mise en cause de la responsabilité civile en cas de défectuosité d’un produit (et ceci même si les concepteurs proposent parfois la signature d’une décharge aux professionnels de santé…).
La sagesse a donc poussé la plateforme à mettre fin à cette activité purement bénévole.
La bureaucratie a parlé ?
CH