
Pékin, le lundi 16 janvier 2023 – Le gouvernement chinois a annoncé que 60 000 personnes étaient mortes de la Covid-19 depuis la levée des restrictions, un bilan largement sous-estimé.
Depuis trois ans que l’épidémie de Covid-19 a commencé, le gouvernement chinois aura eu une constante, celle de mentir éhontément sur la gravité de la crise sanitaire dans son pays. Cependant, ce samedi, le parti communiste chinois (PCC) a semblé faire preuve de transparence en reconnaissant que 59 938 Chinois étaient décédés de la Covid-19 entre le 8 décembre (lendemain de l’abandon de la drastique politique zéro-Covid) et le 12 janvier. Un bilan meurtrier qui tranche avec la communication officielle, qui ne faisait état pour le moment que de 37 décès depuis la levée des restrictions sanitaires.
Sur ces 59 938 décès, Pékin estime que seulement 5 503 sont morts d’une insuffisance respiratoire directement due à la Covid-19, les 54 435 autres résultant de différentes comorbidités auxquelles s’est ajoutée la Covid-19. Depuis le 20 décembre, la Chine considère que seules les personnes pour lesquelles la Covid-19 est l’unique cause de décès doivent être comptabilisées comme des victimes de l’épidémie, une définition jugée « trop étroite » par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). La Chine indique encore que l’âge moyen des victimes de la Covid-19 est de 80,3 ans et que 90 % des morts avaient 65 ans et plus, des chiffres similaires à ceux observés en Occident.
Probablement 10 à 15 fois plus de morts
Aussi impressionnant que puisse paraitre ce macabre bilan à première vue, il est sans doute largement sous-estimé. Tout d’abord, de l’aveu même du PCC, il ne correspond qu’aux décès survenus à l’hôpital. Or, il est probable qu’un grand nombre de Chinois soient passés de vie à trépas chez eux ou dans des maisons de retraite, notamment en raison de la saturation des hôpitaux. A ce titre, difficile de croire, comme Pékin l’affirme, que seulement 75 % des lits de réanimation étaient occupés au 12 janvier, alors même que le nombre de lits est notoirement insuffisant par rapport à la population et que des vidéos d’hôpitaux surchargés ont largement circulé sur les réseaux sociaux.
Ensuite, ce chiffre de 60 000 décès semble très faible comparé à la taille de la population chinoise (1,4 milliards d’habitants). Rapporté à la population française, il correspondrait à 2 871 décès, soit moins que le nombre de morts de la Covid-19 survenu en France en décembre. Enfin, ces 60 000 morts sont très loin des projections de la plupart des épidémiologistes qui, au vu de la faible immunité vaccinale et naturelle des Chinois, prédisaient entre 1,5 et 2 millions de morts en Chine dans les trois mois suivant la levée des restrictions. Il faut donc sans doute multiplier le bilan chinois par 10 voire 15 pour avoir une idée de l’ampleur réelle de l’hécatombe en cours dans l’Empire du Milieu.
11 % de la population mondiale contaminée ?
Les chiffres officiels chinois sur le nombre de contaminations semblent également loin du compte. Pékin annonce ainsi que 13 millions de personnes ont été contaminées, avec un pic à 128 000 cas le 5 janvier, des chiffres très faibles par apport à la population chinoise. Par comparaison, en France (où la population est 20 fois moins importante) lors de la première vague Omicron en janvier 2022, ce sont plus de 9 millions de personnes au moins qui ont été contaminées, avec un pic à 350 000 cas par jour. L’université de Pékin estime d’ailleurs pour sa part que 900 millions de personnes ont été contaminées depuis le 7 décembre, soit 64 % de la population chinoise et 11 % de la population mondiale.
L’OMS ne semble pas s’en être laissé conter par ces chiffres extrêmement douteux. Tout en disant « apprécier » la diffusion de ces informations qui tranchent avec l’opacité des dernières semaines, le directeur général de l’agence onusienne Thedros Ghebreyesus a demandé à la Chine de faire preuve d’une « transparence accrue » sur le nombre de décès par région, les séquençages du virus et également sur l’origine de la pandémie, toujours sujette à de nombreuses spéculations. « Pour le moment, je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’enquêter sur la cause des décès, la tâche principale durant la pandémie est de soigner les patients » estime pour sa part l'épidémiologiste chinois Liang Wannian.
Selon le gouvernement chinois, le pic de l’épidémie aurait été atteint vers le 5 janvier, ce que semble confirmé le retour apparent à la vie normale dans les grandes villes du pays. L’inquiétude est désormais que les festivités du Nouvel an chinois, qui auront lieu dimanche prochain, ne provoquent une nouvelle vague épidémique, notamment dans les zones rurales. Lors de ces fêtes, ce sont généralement des centaines de millions de personnes qui se déplacent à travers le pays.
Quentin Haroche