
Paris, le jeudi 15 septembre 2022 – Ces dernières semaines ont
été marquées par la publication de plusieurs enquêtes et études
tendant à évaluer l’impact de la première année de pandémie de
Covid 19 (et des confinements qui l’ont accompagnée) concernant
différents aspects sanitaires, en particulier en matière de santé
mentale.
Des constatations parfois paradoxales ont pu être tirées de
ces premiers « bilans » quant à l’existence d’une forme « d’effet
retard » en ce qui concerne la détérioration de la santé mentale
par rapport à la mise en place de mesures restrictives
strictes.
Parallèlement, le Programme de l’Onu pour le développement
(PNUD) a publié la semaine dernière un rapport sur l’évolution du
niveau vie en 2020 et 2021. Depuis sa création il y a trente ans,
l’indice de développement humain, qui tient compte de l’espérance
de vie, du niveau d’éducation et du niveau de vie, avait toujours
progressé.
Mais 2020 et 2021 ont vu ce score reculer deux années de
suite. Un grand nombre de pays sont concernés, y compris les plus
riches, tels les Etats-Unis qui ont enregistré un recul de leur
espérance de vie en 2020 comme en 2021 (en lien également avec la
crise des opioïdes et les conséquences de la progression de
l’obésité).
Mais c’est dans les régions les plus pauvres que les effets
délétères de la crise pourraient être les plus complexes à
corriger, notamment parce que se succèdent aujourd’hui à la
pandémie les effets collatéraux de la guerre en Ukraine.
Peut-être la fin
Si ces différentes observations sont donc pour la plupart
préoccupantes, la multiplication de ces bilans paraît sous-entendre
en filigrane que l’épidémie serait derrière nous.
Ce fut d’ailleurs le sens du message cette semaine du patron
de l’Organisation mondiale de la Santé, le Dr Tedros Adhanom
Ghebreyesus qui tout en regrettant que la Covid laisse un monde où
les inégalités en matière d’accès aux soins apparaissent encore
plus criantes qu’auparavant a remarqué : « On peut être rassuré
sur la situation. C’est peut-être la fin de la pandémie tant qu’il
n’y pas de variant plus contagieux, plus transmissible
».
Or, pour l’heure, les différents dispositifs de veille
sanitaire nationaux et internationaux n’ont pas repéré de signaux
inquiétants en la matière. Et dans le monde, le nombre d’infections
repérées a reculé de 12 % durant la semaine du 29 août au 4
septembre par rapport aux huit jours précédents.
Hommages et séquelles
En France aussi, une grande partie de la population arborde
cette rentrée comme celle d’un monde post-Covid. L’heure serait
plutôt aux hommages et à l’évaluation des séquelles qu’à la
vigilance sanitaire et à la vaccination.
Ainsi, Paris se prépare le 15 octobre à célébrer devant le
ministère de la Santé le souvenir des plus de 150 000 personnes qui
sont mortes infectées par le SARS-CoV-2. Par ailleurs, certains se
souviennent en ce 15 septembre que l’entrée en vigueur de
l’obligation vaccinale des soignants fête son premier
anniversaire.
Or, malgré les déclarations parfois contradictoires de
l’exécutif, la perspective d’une réintégration de la poignée de
professionnels qui demeurent suspendus est plus
qu’hypothétique.
Huitième vague ?
Les rebondissements ayant été nombreux au cours des deux
dernières années, il est loin d’être improbable que les prochaines
semaines fassent mentir ceux qui aujourd’hui semblent vouloir
écrire le mot de la fin, ou en tout cas se concentrer sur
l’évaluation des dommages.
De fait, en France, ces derniers jours ont été marqués par une
augmentation du nombre de cas détectés. Ainsi, après une hausse du
taux d’incidence chez les moins de 10 ans observée par Santé
publique France le 8 septembre, on relève également que le nombre
de cas quotidiens est en progression en ce début de semaine par
rapport à il y a huit jours.
Sans doute, alors que tous les indicateurs de gravité sont en
baisse (nombre de personnes hospitalisées, nombre de nouvelles
admissions à l’hôpital et en réanimation), un effet trompe l’œil
n’est pas à exclure : le nombre de dépistages qui avait
considérablement chuté a progressé à la faveur de la rentrée
scolaire.
Cette dernière, qui a souvent été considérée comme un élément
déclencheur des vagues épidémiques (pas toujours à raison) pourrait
jouer un rôle dans la tendance actuelle. Notamment, parce que les
enfants font partie de la population la moins vaccinée (avec moins
de 3 % d’enfants ainsi protégés).
Aussi, l'épidémiologiste et professeur de Santé publique à
l'Ecole des hautes études en santé publique, Pascal Crépey remarque
dans l’Express : « Ce n'est pas une remontée accidentelle, mais
une réelle tendance qui s'étale sur plusieurs jours et qui marque
potentiellement le début de cette huitième vague ».
La perspective de cette nouvelle vague ne peut que préoccuper
quand on sait que les appels à réaliser un second rappel vaccinal
qui ciblent les plus âgés n’ont pour l’heure guère été entendus.
Mais d’autres qui ont compté par le passé parmi les plus prudents,
voire parmi les plus négatifs quant à l’évolution de l’épidémie
nuancent, telle l’épidémiologiste Catherine Hill.
« On ne peut pas encore parler de reprise car si les cas
positifs augmentent, ils reviennent au niveau du mois de juillet.
Et tous les autres indicateurs (…) sont toujours en baisse (…) Il
ne faut pas s’alarmer parce que davantage de personnes sont allées
se faire tester », remarque-t-elle.
Une telle appréciation pourrait conforter dans l’idée que si
SARS-CoV-2 est loin d’avoir disparu, la crise pandémique pourrait,
elle, en effet toucher à sa fin. Mais ses effets secondaires
pourraient demeurer longtemps sensibles.
Aurélie Haroche