
Paris, le lundi 5 décembre 2022 - C’est un désarroi qui
s’exprime à cœur ouverts sur les réseaux sociaux. Dans le
dix-neuvième arrondissement de Paris, les collectifs d’usagers
témoignent du retour des usagers de crack dans l’est parisien et
notamment près de la place Stalingrad et du canal de l’Ourcq.
Le 5 octobre dernier, l’évacuation du square Forceval dans le
nord de Paris laissait espérer une amélioration de la situation
sanitaire et sécuritaire. Mais encore une fois, la décision n’aura
fait que déplacer un peu plus le problème.
« Un retour au point de départ mais en pire »
Pour les riverains, la vie dans les quartiers du 19ème
arrondissement s’apparente au mythe de Sisyphe. Interrogé par
France 3 le 15 novembre dernier, Frédéric Francelle, habitant du
19e arrondissement et porte-parole du Collectif 19, dresse un
constat implacable : « Depuis l'évacuation de Forceval, les
toxicomanes sont de retour en masse (…) C’est donc un retour au
point de départ mais en pire. Comme il y a 10 ou 15 ans, avant
la "Colline du crack", avant les jardins d'Éole, avant
Stalingrad quand ils étaient éparpillés dans les rues et qu'ils
s’enfuyaient à chaque passage policier ».
Sur Twitter, les habitants du nord de la capitale n’hésitent
plus à alpaguer le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin ainsi
que le préfet de police de Paris, Laurent Nunez, face au retour du
« triangle du crack ».
L’explosion silencieuse du crack à Lille
Si les projecteurs ont souvent été braqués sur le sort de la
capitale, la toxicomanie provoque également des ravages dans la
métropole lilloise. Le 24 novembre dernier, la Voix du Nord
consacrait une grande enquête sur « l’explosion silencieuse
» dans la ville où se retrouvent des usagers lillois, mais
aussi de Douai et de Roubaix.
Si le crack est à Lille depuis la fin des années 80, le
phénomène a pris des proportions inquiétantes depuis 2015. Les
consommateurs de toute la région se retrouvent dans la ville
alimentant une forme de « narco-tourisme ». La consommation se
déroule presque « à ciel ouvert », dans les halls
d’immeuble, dans les stations de métro, sous les ponts, dans la
rue, mais aussi dans la gare de Lille-Europe, provoquant là encore
le désarroi des riverains.
Une réduction de la consommation pour les toxicomanes pris en charge
A Paris comme à Lille, la consommation de stupéfiants est
l’occasion de crispations entre le gouvernement et les autorités
locales. Ainsi, le projet d’ouverture d’une salle de consommation à
moindre risque, soutenue par la maire de la ville Martine Aubry, a
été bloqué par le ministre de l’Intérieur. Pourtant, des motifs de
satisfaction et d’espoir existent. Des chercheurs et chercheuses
des Hospices civils de Lyon et de l’Université de Lyon-1 Claude
Bernard ont évalué le dispositif Assore (porté par l’association
Aurore) qui propose actuellement hébergement et accompagnement
social à 536 consommateurs de crack à Paris.
Les résultats de cette prise en charge sont extrêmement
encourageants : 87 % des personnes interrogées ont vu leur
consommation diminuer depuis leur entrée dans le dispositif et 19 %
ont même arrêté complètement.
Des résultats que tempèrent toutefois l’Agence régionale de
Santé (ARS) : « L’arrêt de la consommation de toute substance
addictive reste cependant très rare. Les consommateurs passent
plutôt d’une consommation compulsive, avec des risques élevés, à
une consommation plus maîtrisée ». Il reste que le dispositif
ASSORE permet aux consommateurs de disposer d’un abri et d’échapper
aux conséquences délétères de la vie dans la rue, tout en assurant
une plus grande sécurité et tranquillité aux riverains.
C.H.