
Paris, le mercredi 22 mars 2023 – Si les scènes de consommation de crack à ciel ouvert sont en recul, les toxicomanes envahissent désormais les couloirs du métro, au grand dam des usagers.
Le 15 janvier, Laurent Nunez dressait un bilan positif de ces six premiers mois à la tête de la préfecture de police de Paris et notamment de sa lutte contre le trafic et la consommation de crack, cette « drogue du pauvre » dérivée de la cocaïne qui fait des ravages dans le nord-est parisien. « Il n’y a désormais plus de scène de consommation et de vente de crack à ciel ouvert » se félicitait l’ancien secrétaire d’Etat, chargé par le ministère de l’Intérieur de régler le problème du crack à Paris d’ici l’été. Mais s’il est vrai que depuis l’évacuation du camp de toxicomanes du square Forceval près de la Porte de la Villette en octobre dernier, il n’existe plus de regroupement constant de « crackers », ces derniers n’ont pas disparu pour autant, loin de là. Et ils sont de plus en plus nombreux à investir les couloirs du métro parisien.
Comment le plan crack s’est enlisé
« Au cours des douze derniers mois, 60 % des interventions de police sur le réseau de transports en commun concernent des consommateurs de crack » constate la présidente de la région Ile-de-France Valérie Pécresse. La candidate malheureuse à la dernière élection présidentielle a donc promis de doubler d’ici 2028 les effectifs du groupe de protection et de sécurité des réseaux (GSPR), chargé de la sécurité dans le métro parisien, qui compte actuellement 2 000 agents. Les stations de métro du 18ème arrondissement de Paris, près de la Porte de la Chapelle, sont celles qui comptent le plus de toxicomanes, qui peuvent parfois se déplacer sur les voies et perturber le trafic ou agresser des usagers.
Empêcher les toxicomanes de « squatter » les stations de métro, tel était pourtant l’un des objectifs principaux du « plan crack », lancé en 2018 par la région Ile-de-France, la Ville de Paris et la préfecture de police. Une convention avait été signée avec les opérateurs de transport en commun et les premiers résultats étaient encourageants : en 2019, les signalements de présence de toxicomanes dans le métro ont baissé de 11 % sur un an et de 23 % sur la ligne 12, la plus touchée par le phénomène. Une conséquence de l’augmentation des effectifs des forces de sécurité et de l’organisation de quatre maraudes par semaine par des membres d’association d’aides aux toxicomanes.
Mais après ces débuts prometteurs, le plan crack s’est rapidement enlisé. Dans un rapport de 2021 sur l’échec de ce dispositif, la Cour des Comptes avait noté « un essoufflement de la coordination entre les parties prenantes, les actions inscrites dans le plan en mai 2019 n’ont pas été engagées en 2020 et 2021 et n’ont pas été relancées ni même examinées ». La bonne entente de 2018 qui avait permis l’élaboration du plan a entretemps volé en éclats. La Ville de Paris, la région Ile-de-France et le gouvernement, dirigés par des partis politiques différents, ne cessent de se renvoyer la responsabilité de cet échec.
A Périgueux, « le crack est à la mode »
Repoussés d’un lieu à un autre depuis 2021, les consommateurs de crack ont désormais trouvé refuge dans le métro, où il est encore plus difficile pour les associations de leur venir en aide. Ces dernières dénoncent le tournant sécuritaire qu’a désormais pris la réponse des autorités à la crise du crack, au détriment du volet médical et social, même si Laurent Nunez assurait en janvier dernier qu’un nombre grandissant de toxicomanes pouvait bénéficier d’un hébergement d’urgence et d’un accompagnement social. Si une loi de septembre 2021 a entériné la création de nouvelles « salles de shoot », rebaptisés « haltes soins addiction », aucun nouvel établissement n’a pu dans les faits voir le jour, tout projet soulevant immédiatement la colère des riverains. Ces dispositifs constituent pourtant, pour la plupart des addictologues, le meilleur moyen de réduire les risques liés à la consommation de drogues dures.
Si Paris semble donc condamné à devoir accueillir en son sein des milliers de toxicomanes qui rendent la vie impossible aux habitants des quartiers nord de la ville, la crainte des autorités est désormais que le crack gagne d’autres lieux et notamment des villes moyennes. Policiers, magistrats et médecins constatent avec inquiétude une hausse de la consommation dans l’ouest de la France. « Il existe une autoroute de la drogue qui descend de Niort à Périgueux en passant par Limoges et Bordeaux » explique Maître Reda Hammouche, avocat spécialisé dans la toxicomanie.
A Périgueux justement, le trafic de crack, importé depuis la Guyane, est en plein essor et s’il n’existe pas encore de scène de consommation à ciel ouvert, les affaires judiciaires impliquant le crack se multiplient au tribunal correctionnel de la ville. « A Périgueux, le crack est à la mode » a ainsi lancé en plein procès un homme jugé pour trafic de stupéfiants.
Grégoire Griffard