
Paris, le samedi 14 janvier 2023 – Elue vice-présidente de l’Académie de Médecine le 13 décembre dernier, le Dr Catherine Barthélémy deviendra en 2024 la première femme présidente de l'Académie de Médecine.
Il aura fallu attendre un siècle après sa création en 1820 pour que l’Académie de Médecine accueille en son sein sa première femme, la célèbre double Prix Nobel Marie Curie, le 7 février 1922. Et il aura fallu attendre encore un autre siècle pour que la vénérable institution soit dirigée par une femme. Le 13 décembre dernier, le Dr Catherine Barthélémy, pédiatre et membre de l’Académie depuis 2015 (dans la division santé publique), en a été élu vice-présidente, ce qui lui assure de présider l’institution en 2024, en remplacement du Pr Jean-Pierre Goullé, président pour l’année 2023.
Institution vénérable mais quelque peu conservatrice, l’Académie de médecine est loin d’être paritaire : on ne compte que 17 femmes sur 135 membres titulaires, même s’il est vrai que les choses ont tendance à s’améliorer (on n’en comptait que 8 en 2017). Les femmes représentent pourtant 44 % des médecins et sont vouées à devenir majoritaire dans la profession : 53 % des médecins de moins de 55 ans sont des femmes. « Encore cette gonzesse ! » avait tonné un académicien au moment de l’hommage rendue à Marie Curie pour les 150 ans de l’illustre chercheuse, signe qu’un certain machisme règne encore rue Bonaparte.
Celle qui a éteint la « mère réfrigérateur »
La nouvelle vice-présidente préfère rester éloignée de ces polémiques de genre, elle qui se dit persuadé que « notre assemblée va se modifier dans les années à venir ». Dans sa carrière, le Pr Catherine Barthélémy n’a pourtant pas hésité à bousculer les idées reçues. Ancienne cheffe de service au CHRU de Tours, où elle a notamment dirigé pendant 20 ans le groupe de chercheurs de l’Inserm « Autisme, imagerie et cerveau », elle est l’une des premières, avec le Dr Gilbert Lelord, son mentor, à établir les origines neurologiques de l’autisme, maladie à laquelle elle aura consacré l’essentiel de sa carrière dès 1969.
A une époque où une grande part des psychiatres, formés à la psychanalyse, restent persuadés que l’autisme est dû à un trouble affectif de la mère (la fameuse « mère réfrigérateur »), ses travaux font polémique. Lors d’une de ses premières communications à un congrès à Tours, elle est huée par l’assistance de pédopsychiatres.
Malgré la réception difficile de ses premiers travaux, le Dr Barthélémy persistera dans ses travaux jusqu’à devenir une des expertes mondiales des liens entre trouble du neurodéveloppement et autisme. Convaincu du rôle primordial que les familles peuvent avoir dans l’élaboration d’une prise en charge adéquate des enfants souffrant d’autisme, elle fonde en 1983, avec le Dr Lelord, l’Arapi (Association de professionnels et de familles pour la recherche sur l’autisme et la prévention des inadaptations), dont elle est toujours à ce jour la vice-présidente. « A Tours, les familles ont trouvé un relais, qui ne les a jamais trahies et ont fait de moi leur porte-parole au plus haut niveau des instances nationales » explique le Dr Barthélémy.
Rajeunir la vieille institution
Ses travaux de recherche et auprès des familles aboutiront à l’élaboration en 2010, aux côtés du Pr Charles Aussiloux, président de la Fédération Française de psychiatrie, d’un guide de bonnes pratiques sur les méthodes de prise en charge de l’autisme à destination des professionnels de santé.
Déjà comblé de nombreux honneurs (officier de la Légion d’honneur en 2015, prix d’honneur de l’Inserm en 2016, commandeur de l’ordre national du mérite en 2019…), le Dr Barthélémy se montre modeste au moment d’être élue à la future présidence de l’Académie de Médecine, remerciant d’abord ses « confrères » dont elle se dit « reconnaissante de leur confiance ». Ses objectifs durant sa présidence seront de mieux faire connaitre l’Académie (« on est parfois plus connus à l’étranger que chez nous ») et de rajeunir l’institution. « On a parfois l’image d’une assemblée disons, âgée, mais ça change » assure la pédiatre (âgée de 76 ans).
Quentin Haroche